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A propos de la décision du Conseil constitutionnel n° 93-324 DC du 3 août 1993 et de la loi n°93-1444 du 31 décembre 1993.

Le problème central que posent la décision du Conseil constitutionnel du 3 août 1993 et la loi du 31 décembre 1993 sur l’indépendance de la Banque de France est celui des rapports qu’entretiennent la notion de souveraineté et le pouvoir monétaire. Il sera intéressant d’étudier à ce propos la reconnaissance par la puissance publique française d’une supériorité encore implicite, mais certaine du droit européen sur le droit constitutionnel français, notamment en ce qui concerne les articles 20(1) et 21 de la constitution de 1958.

Sur les liens qui unissent les notions de souveraineté et de monnaie, le Président Jacques Larché dans son rapport sur le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maastricht s’interrogeait ainsi: La monnaie est-elle un attribut de la souveraineté? Existe-t-il une souveraineté monétaire dont la sauvegarde serait indispensable à celle de la souveraineté lato sensu? La réponse à cette question lui semblait devoir être négative. Cette position est à notre sens trop radicale, car face à un problème aussi délicat, bien des nuances s’imposent.

L’analyse juridique considère traditionnellement l’émission de monnaie comme une fonction régalienne. Les deux dispositions de la constitution qui lui font référence, l’article 34(2) et l’article 78(3) , confirment cette conception. Néanmoins, comment ne pas tenir compte, d’un point de vue économique, des contraintes externes qui pèsent aujourd’hui sur les Etats dans le domaine monétaire? Ces contraintes externes limitent fortement la marge de manoeuvre politique que les Etats peuvent avoir sur leur monnaie. En outre, l’histoire économique française souligne l’impossibilité d’utiliser librement la politique monétaire pour répondre efficacement à des objectifs internes tels que l’emploi et la croissance(4, 5) . Mais on remarquera qu’en réalité, le facteur prédominant du relâchement des liens entre la monnaie et la souveraineté est bien l’ouverture à l’extérieur des économies qui a conduit à la subordination des politiques internes aux contraintes externes. Cette subordination de la politique monétaire aux contraintes de change est devenue particulièrement sensible dans les années 80 avec l’expérience du système monétaire européen. Elle paraît définitive avec la libération des mouvements de capitaux entrée en vigueur le premier janvier 1993.

Cependant, l’histoire nous apprend que la monnaie est intrinsèquement un des attributs de la souveraineté des Etats(6) . Reflet de leur activité économique, protectrice des valeurs marchandes que produit un pays, la monnaie est l’expression de la puissance commerciale d’une nation sur la scène internationale. Peut-être vaudrait-il mieux alors considérer que les Etats n’exercent plus de pouvoirs réellement souverains sur leur monnaie. Mais alors vient l’interrogation de savoir qui exerce cette souveraineté sur les monnaies et, par delà, quelles autorités détiennent en dernier ressort une maîtrise – aussi relative soit-elle – du système financier international en général? La réponse à cette question ne peut être bien sûr univoque. Mais il semble que l’argent arrivant à se jouer des désordres financiers internationaux soit en passe de devenir son propre maître et qu’il tisse ainsi sa souveraineté aux dépends de celle des Etats(7) . On comprendra dès lors l’enjeu de cette réforme de la Banque de France(8) qui fait partie de la stratégie européenne de mise en place d’une monnaie unique. Il s’agit bien sûr à terme de mettre fin aux tentations des Etats de jouer de l’artifice monétaire pour aider leur politique intérieure(9) , de mettre fin aux excès de la spéculation, de donner à l’europe une forte puissance de négociation et de faire en sorte que le marché financier international soit plus équilibré. Cette stratégie européenne est déterminante pour restaurer le pouvoir d’Etat sur les marchés financiers(10) .

La décision du Conseil constitutionnel et la loi que nous nous proposons de commenter mettent bien en relief l’importance que peut avoir une monnaie pour un Etat. Nous verrons aussi comment l’abandon de souveraineté qu’impliquera à terme le transfert pour les Etats membres de leurs pouvoirs monétaires au niveau européen pose de délicats problèmes constitutionnels.

I/ LE REFUS DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL DE FAIRE REFERENCE AU TRAITE DE MAASTRICHT ET D’ACCORDER SON INDEPENDANCE A LA BANQUE CENTRALE FRANCAISE:

a/ Le refus du Conseil constitutionnel d’examiner la loi par rapport au traité de Maastricht:

L’indépendance des banques centrales nationales fait partie des objectifs déterminés par l’accord de Maastricht qui prévoit à terme la mise en place d’un système européen de banques centrales(SEBC)(11) . La loi d’août 1993(12) relative au statut de la Banque de France anticipait les obligations de la deuxième phase de l’union économique et monétaire prévoyant cette indépendance des banques centrales(13, 14) .

Dans leur requête, les députés, estimaient que les conditions mises à l’application de l’article 88-2(15) de la Constitution n’étant pas réunies, le législateur ne pouvait ni instituer ni organiser l’indépendance de la Banque de France par rapport aux pouvoirs publics constitutionnels.

L’argumentation des députés, pourra nous sembler assez curieuse. On notera en effet le caractère spécieux de leur raisonnement invoquant l’article 88-2 – et indirectement le droit européen – pour justifier une impossibilité, voire une interdiction d’organiser l’indépendance de la banque centrale. N’est-il pas en effet quelque peu paradoxal de chercher appui sur des dispositions organisant l’Europe financière pour justifier sur le fonds une position tendant à maintenir la souveraineté absolue de l’Etat français sur la Banque de France? La faille de cette argumentation apparaît sans nul doute dans le fait qu’aucune norme Européenne n’interdit à un Etat membre d’organiser l’indépendance de sa banque centrale. Il n’était par ailleurs pas nécessaire pour un Etat membre de se référer (du moins au moment où le Conseil à été saisi) au droit européen pour justifier une réforme tendant à rendre sa banque centrale indépendante(16) . L’exemple de l’Allemagne et des Pays-bas nous montre que ces Etats ont depuis longtemps accordé l’indépendance à leur banque centrale sans pour autant, loin s’en faut, contredire l’esprit des normes européennes. Le Conseil constitutionnel n’a pas retenu l’argumentation des députés.

La requête des sénateurs a également soulevé le problème de cette anticipation. Mais ces derniers ont fait valoir que la constitutionnalité de cette loi ne saurait être appréciée au regard de l’article 88-2 de la Constitution dès lors que le traité sur l’Union européenne en vue duquel cet article a été introduit dans la Constitution n’était pas entré en vigueur.

Par ailleurs, ils ont fait remarquer qu’en tant qu’elles mettaient en oeuvre le traité sur l’Union européenne, les dispositions contestées méconnaissaient l’article 55(17) de la constitution, la condition de réciprocité posée par cet article n’étant pas respectée du fait des positions prises par certains signataires de ce traité. Enfin, en ce qui concerne la date d’entrée en vigueur de la loi, prévue par son article 35(18) , elle serait contraire à l’article 88-2 de la Constitution en tant qu’elle ne respecterait pas les modalités de mise en oeuvre prévues par les dispositions du traité.

Le Conseil constitutionnel a retenu les griefs des sénateurs invoquant l’impossibilité de juger de la constitutionnalité de cette loi par rapport à l’article 88-2 de la Constitution. On remarquera pour être précis que le Conseil dans sa solution ne reprochait pas explicitement à la loi sur l’indépendance de la Banque de France d’anticiper la mise en oeuvre les dispositions financières du traité prévue pour le premier janvier 1994. Il retenait simplement que le traité de Maastricht ne pouvait être considéré comme étant entré en vigueur à la date du 1 janvier 1993 puisque tous les Etats ne l’avaient pas ratifié. Dès lors, notre juge constitutionnel estimait qu’il n’y avait pas lieu de contrôler la loi déférée par rapport à l’article 88-2 de la Constitution, ni par rapport à l’article 55 aux fins de savoir si la condition de réciprocité posée par ces deux articles était bien remplie pour que le traité soit applicable en France. Le Conseil justifiait aussi sa position par référence à l’article R du traité de Maastricht prévoyant que « le présent traité entrera en vigueur le 1 janvier 1993 à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés… ». L’article 88-2 de la Constitution devait donc rester lettre morte quant aux transferts de compétence qu’il est censé permettre tant que les instruments de ratification n’étaient pas encore déposés par tous les Etats-Membres.

Cette position du Conseil constitutionnel, juridiquement incontestable, confirme sa politique jurisprudentielle vis-à-vis du droit européen(19) . Elle lui a permis de se libérer des contraintes européennes pour apprécier dans un deuxième temps la conformité de la loi par rapport au droit interne.

b/ La volonté du Conseil de maintenir la Banque de France sous l’étroite tutelle du Gouvernement:

La décision du 3 août 1993 est sans doute une des meilleures illustration de la volonté du Conseil constitutionnel de protéger l’autorité de l’Etat en matière de politique financière. Certes, il faut rappeller que le Gouvernement n’était pas tenu par le traité de Maastricht de présenter dans l’année 1993 un projet de loi sur l’indépendance de la Banque de France. Cette volonté d’anticiper avait sûrement pour objectif de conforter le plus rapidement possible la crédibilité de sa politique économique et la stabilité du franc sur les marchés. Aussi, le législateur désireux d’organiser l’indépendance de la Banque de France à l’instar de la Bundesbank avait dans l’article 1 de sa loi prévu que: »la Banque de France définit et met en oeuvre la politique monétaire dans le but d’assurer la stabilité des prix. Elle accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement, sans pouvoir, dans l’exercice de ses attributions, ni solliciter, ni accepter d’instructions du Gouvernement ou de toute personne ».

De surcroît, l’indépendance de la Banque se trouvant assurée par la mise en place d’un Conseil de la politique monétaire offrant des garanties quant à la nomination de ses membres, l’exercice et la fin de leurs fonctions(20) , il pouvait être considéré que ce régime juridique présentait un compromis convenable entre indépendance et intégration du pouvoir monétaire au pouvoir d’Etat.

Le Conseil Constitutionnel en a cependant jugé autrement et considéré comme recevable les griefs des députés tirés de la méconnaissance par ces dispositions des compétences du Gouvernement et du Premier ministre. En effet, rappelons-le, selon les articles 20 et 21 « Le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation… et « le Premier ministre dirige l’action du Gouvernement… ». Le Conseil a estimé à la lecture de ces deux articles que la définition de la politique monétaire est un élément essentiel et indissociable de la politique économique générale dont la détermination et la conduite incombent au Gouvernement, sous la direction du premier Ministre. Il a également jugé que les dispositions limitant les pouvoirs de la Banque de France à ne mener une politique monétaire que dans le cadre « de la politique économique générale du gouvernement » pouvaient être tenues en échec par l’interdiction faites à ce dernier de donner toute instruction à la Banque de France. Ces textes méconnaissant les compétences du Gouvernement, le Conseil constitutionnel a déclaré non conformes à la constitution les dispositions qui faisaient la clef de voûte de cette réforme organisant l’indépendance de la Banque. Ainsi, au premier et deuxième alinéas de l’article 1 de la loi, la rédaction devenait: « La Banque de France met en oeuvre la politique monétaire ». D’autre part, découlant de la première non conformité, l’article 7 devenait: « Le Conseil de la politique monétaire surveille l’évolution de la masse monétaire et de ses contreparties ».

En réalité, cette argumentation du Conseil Constitutionnel cache mal sa volonté de maintenir avant tout une étroite subordination de la Banque de France au Gouvernement. En effet, si l’on reprend les considérations du Conseil prises à la lettre pour justifier l’annulation, on peut remarquer qu’elles n’entrent pas en conflit avec les dispositions initiales du texte de loi. D’une part, la Banque de France voyait les objectifs de sa politique définis puisqu’il s’agissait pour elle d’assurer la stabilité des prix. D’autre part, on remarquera que cette politique devait s’effectuer dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement. Ainsi, loin de dessaisir le gouvernement en matière de politique économique, ce projet de loi visait la seule politique monétaire interne dont il confiait la responsabilité certes à la Banque de France mais en encadrant strictement sa mission d’accompagnement de la politique gouvernementale. Rien dans ces dispositions ne contredisait vraiment les dispositions de l’article 20 de la constitution, sinon la marge de manoeuvre discrétionnaire accordée à la Banque de France. Ce refus d’accorder une simple marge de manoeuvre est revenu indubitablement à refuser toute indépendance à la Banque. Et le Conseil constitutionnel semble avoir une conception d’autant plus large de la notion d’indépendance qu’il la tient en méfiance. En effet, l’interdiction faite à la Banque dans le texte initial de recevoir des instructions ne signifiait pas qu’il ne pouvait y avoir dialogue entre le Gouvernement et la Banque de France. Là aussi, accorder une indépendance à un organisme pour effectuer une mission précise ne devrait pas nous conduire à envisager systématiquement le pire, c’est à dire une séparation de pouvoirs cloisonnée et la conduite de politiques économiques et monétaires durablement divergentes au point de devenir incohérentes. Cela est d’ailleurs d’autant plus difficile à envisager que l’internationalisation des échanges économiques, la subordination de la politique monétaire aux contraintes de change, la libération des mouvements de capitaux limitent très étroitement, comme nous l’avons déjà exprimé, les marges de manoeuvre des gouvernements en matière économique et encore plus des Banques centrales en matière monétaire. Mais le rôle du juriste étant aussi (toujours?) d’envisager le pire, les plus sceptiques sur les vertus du dialogue pour résoudre une crise politique ouverte entre les deux institutions donneront bien sûr raison au Conseil constitutionnel refusant toute indépendance à la Banque de France en raison de l’article 20 de la Constitution.

Le Conseil constitutionnel estime par ailleurs que l’article 21 de la Constitution, qui sous réserve des pouvoirs reconnus au président de la république, confère au premier ministre le pouvoir réglementaire, ne s’oppose pas à ce que le Conseil de la politique monétaire définisse « les obligations que la politique monétaire peut conduire à imposer aux établissements de crédit, et notamment l’assiette et les taux des réserves obligatoires ». Le Conseil confirme en cela sa jurisprudence antérieure du 17 janvier 1989 relative au conseil supérieur de l’audiovisuel(21) . Le législateur peut donc confier à une autorité de l’Etat autre que le premier ministre le soin de fixer des normes permettant de mettre en oeuvre une loi, à condition que cette mesure ne concerne que des mesures de portée limitée tant par leur champ d’application que par leur contenu. Ce qui est le cas en l’espèce pour la Banque de France.

La présente décision du Conseil constitutionnel n’est pas non plus sans rappeler certaines précédentes décisions rendues à propos de problèmes financiers. Un trait commun est de confirmer les textes de lois dans les dispositions qui tendent à accorder le maximum possible de pouvoir discrétionnaire aux autorités chargées d’élaborer, d’exécuter ou de juger les affaires financières. L’exemple des décisions rendues à propos des pouvoirs de la C.O.B(22) et du Conseil de la concurrence est à cet égard assez probant(23) .

On remarquera par ailleurs dans cette décision sur la Banque de France que ni le législateur, ni le Conseil Constitutionnel chacun dans leurs appréciations divergentes du problème n’ont envisagé une solution en demi-mesure qui aurait organisé l’indépendance de la Banque tout en réservant la possibilité au Gouvernement d’intervenir en cas de circonstances exceptionnelles. L’exemple du Conseil des bourses de valeurs et du Conseil du marché à terme montre qu’il est possible de combiner autonomie de ces autorités tout en accordant en dernier ressort au gouvernement la maîtrise des décisions en cas de problèmes graves(24) . Ainsi le Conseil des bourses et le Conseil du marché à terme voient leur intégration au pouvoir d’Etat assurée, en cas de crise grave, par des dispositions législatives qui prévoient qu’en cas de carences de leur part, le Gouvernement prend par décret les mesures nécessitées par les circonstances. Certes, le gouvernement peut toujours en vertu de ses pouvoirs de police et même en l’absence de textes(25) , prendre les mesures que nécessitent les circonstances, mais le prévoir par un texte législatif aurait réduit l’antagonisme de ce débat sombrant dans le tout ou rien (indépendance/refus d’indépendance). Surtout que juridiquement, rien n’interdisait lors de la phase 2 du traité de Maastricht l’insertion d’une réserve de souveraineté de ce type. Donner en dernier ressort et en cas de circonstances exceptionnelles la maîtrise de la politique au Gouvernement n’était pas incompatible avec les Articles 109 H et surtout 109 I du traité de Maastricht, ni avec la loi nationale prévoyant que la Banque de France doit définir et mettre en oeuvre sa politique monétaire dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement. Reste, bien entendu, que la qualification de situations relevant de circonstances exceptionnelles prête toujours à controverse et qu’il n’existe pas de définition juridique de la notion de « carence ». Seule dans ces conditions la pratique et sans doute le contentieux devant le Conseil d’Etat aurait pu nous dire -si cette solution du C.B.V et du C.M.T avait été transposée à la Banque de France- quel contenu le Gouvernement aurait donné à la notion de circonstances exceptionnelles et de carence dans ce domaine aussi sensible qu’est celui de la monnaie. Exprimée explicitement, cette solution en demi-teinte aurait eu le mérite d’être à mi-chemin entre la décision du Conseil Constitutionnel et la solution radicalement opposée qu’a choisi le législateur. Certes, ces dispositions seraient finalement entrées en conflit avec l’esprit du traité de Maastricht lors de la mise en oeuvre de sa phase 3(26) et il aurait sûrement fallu réviser la loi pour abroger ces dispositions donnant une réserve de souveraineté à l’Etat français. Mais la phase 3 du traité de Maastricht n’est-elle pas matériellement contraire à l’esprit de la constitution de 1958? Le Conseil constitutionnel dans son interprétation de l’article 20 semble nous démontrer que c’est bien le cas. Aussi, émettre une réserve de souveraineté en cas de carence avérée de la Banque de France et au niveau européen aurait été plus conforme à la phase de transition que nous vivons actuellement. Le respect de l’esprit des institutions de 1958 y aurait gagné et les rapports de pouvoirs existant entre l’Europe et la France auraient été plus clairement articulés pour l’avenir.

La décision du Conseil constitutionnel sur la Banque de France montre aussi à quel point l’Etat cherche à concentrer les pouvoirs entre les mains de l’autorité qui sera la plus prompte à déterminer, à réagir et à coordonner une politique financière. Ce problème correspond au grief soulevé par les sénateurs en ce qui concerne la méconnaissance du pouvoir du Parlement de fixer selon l’article 34 de la Constitution « …les règles concernant…le régime d’émission de la monnaie… ». On remarquera que le Conseil Constitutionnel a adopté une position consistant à entériner le déssaisissement du Parlement de ses pouvoirs en matière financière. Dans une motivation confinant à l’ironie lorsque l’on sait les rapports de pouvoirs existant entre la majorité parlementaire et le gouvernement sous la V° République, le Conseil a décidé que dans l’exercice de cette compétence financière prévue à l’article 34, il était loisible au législateur de renoncer à ses pouvoirs. Son refus d’exercer ses compétences en en transférant l’exercice au Gouvernement n’est donc pas inconstitutionnel. Les motivations implicites de cette décision sont bien entendu la rapidité d’exécution qu’exigent les problèmes financiers, la trop grande politisation des débats qu’ils engendrent et une trop grande rigidité de la loi en ce qui concerne son adaptation à une politique monétaire qui se fait de plus en plus au jour le jour. Il résulte de tout ceci que la tendance du pouvoir d’Etat semble consister à adopter pour les problèmes financiers une stratégie de quasi-circonstances exceptionnelles. Stratégie au demeurant fort adaptée au contexte de guerre mondiale économique dans lequel nous sommes maintenant bien engagés et où adversaires et alliés sont de plus en plus difficiles à identifier. L’inconvénient de cette tendance du droit est qu’elle remet en cause au moins partiellement certains principes fondamentaux en faisant du droit des circonstances exceptionnelles le droit commun.

Cette décision du Conseil constitutionnel est bien conforme à sa jurisprudence qui fait de lui encore une fois l’ultime rempart contre ce que certains auteurs appellent « l’invasion du droit européen ». Cette décision est également conforme à l’esprit des institutions de 1958, du moins à l’interprétation que l’on pouvait avoir d’elles dans la première moitié de leur existence. Mais les années 80 ont vu une sorte de démembrement ou délégation du pouvoir exécutif en diverses autorités administratives indépendantes s’occupant de problèmes souvent stratégiques pour la nation(27) . Aussi, il peut paraître curieux que le Conseil ait eu une interprètation aussi stricte de l’article 20 permettant une forte concentration des pouvoirs entre les mains du Gouvernement. Cela d’autant plus que la France semble avoir acquis le degré de maturité politique et une monnaie assez forte pour que soit rendue indépendante sa banque centrale.

Cette décision d’août 1993 aura cependant eu le mérite de mettre en évidence, au regard du vote que le parlement a émis quelques mois plus tard, à quel point le droit européen va pouvoir dénaturer la Constitution de 1958.

II/ LES IMPLICATIONS CONSTITUTIONNELLES DE L’INDEPENDANCE ET DES POUVOIRS NORMALEMENT TRANSITOIRES QUE LE LEGISLATEUR ACCORDE A LA BANQUE DE FRANCE:

A/ Les conséquences du rétablissement par le Parlement des dispositions initialement annulées par le Conseil constitutionnel:

Depuis le 5 janvier 1994, la Banque de France va enfin pouvoir « définir et mettre en oeuvre la politique monétaire dans le but d’assurer la stabilité des prix en accomplissant sa mission dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement ». De plus le Conseil de la politique monétaire « est chargé de définir la politique monétaire »(28) . Enfin, la Banque de France »accomplit sa mission dans le cadre de la politique économique générale du Gouvernement, sans pouvoir, dans l’exercice de ses attributions, ni solliciter, ni accepter d’instructions du Gouvernement ou de toute personne ». Avec la loi du 31 décembre 1993(29) , le législateur reprend donc mot pour mot les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel quelques mois plutôt, le 3 août 1993, et rétablit l’indépendance de la Banque de France qui était prévue dans la loi initiale(30) . Voilà qui apparaît de prime abord comme une curiosité constitutionnelle inquiétante pouvant faire penser soit que le législateur viole la Constitution en ne respectant pas l’autorité de la chose jugée, soit que le Conseil n’est plus le juge suprême de la constitutionnalité des lois. L’explication de cette transitoire désorganisation institutionnelle se trouve en réalité dans la combinaison du droit Européen et du droit national par le biais de l’article 88-2 de la Constitution. Dans sa décision d’août 1993, le Conseil estimait qu’il n’y avait pas lieu de se référer aux accords de Maastricht étant donné que tous les instruments de ratification du traité n’avaient pas été déposés. Or, ces opérations de ratification ayant eu lieu entre temps, c’est à bon droit que le législateur a pu en se fondant sur l’article 88-2 – maintenant indiscutablement en vigueur – adopter une nouvelle fois les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel. Le législateur en faisant valoir le 31 décembre dernier la volonté la plus récente du constituant a pu ainsi, fort paradoxalement, contredire la décision du Conseil constitutionnel tout en respectant la constitution. Ce raisonnement ne doit cependant pas cacher les problèmes implicites de hiérarchie des normes et de souveraineté que soulève ce cheminement constitutionnel. L’affaire est d’autant plus importante qu’il s’agit de l’article 20 de la constitution prévoyant que le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation appliqué au domaine de la monnaie qui est, comme nous l’avons déjà évoqué, un attribut essentiel de la souveraineté de l’Etat. Qu’on le veuille ou non, la décision du Conseil suivie du vote du législateur fondé sur l’article 88-2 établissent implicitement une hiérarchie constitutionnelle des normes en accordant une primauté du droit européen sur l’article 20 de la Constitution. Certes, le Juge européen avait déjà depuis longtemps affirmé cette supériorité du droit communautaire sur le droit national(31) , mais il restait aux législateurs et aux juges des Etats membres à se conformer à cette jurisprudence. C’est ce qui semble s’opérer avec cette affaire qui dépasse largement les problèmes de supériorité du traité par rapport à la loi que pose l’article 55 de la Constitution. Il s’agit là d’envisager la supériorité du traité de Maastricht par rapport à la Constitution.

Certains argueront de la différence de situation en matière de de ratification entre la décision du Conseil et le deuxième vote du législateur. Cela ne change en réalité pas grand chose à l’affaire et tous les raisonnements juridiques les plus subtils tendant à démontrer qu’il n’y a pas maintenant infériorité de l’article 20 au Traité de Maastricht buteront sur les faits. En l’espèce, la Banque de France est maintenant indépendante et elle sera avec l’Etat français, à terme, normalement dépossédée de toute possibilité de déterminer et conduire la politique monétaire de la nation à moins de méconnaître gravement le traité de la Communauté européenne. Cette supériorité implicite du traité de Maastricht sur l’article 20 établie par le biais de l’article 88-2 de la constitution doit cependant – il est important de le souligner – s’entendre comme limitée au dit traité et encadrée par le principe de subsidiarité( voir note 25).

Reste que par le biais de l’article 88-2, le législateur pourra au nom du droit européen, comme cela a été opéré en l’espèce au regard de la décision du Conseil, vider de sa substance l’article 20 sans qu’il y ait formellement le moindre problème de constitutionnalité. Autrement dit, la dernière révision constitutionnelle a introduit dans la constitution un article prévoyant que l’Etat français allait être dépossédé de sa souveraineté. Voilà qui, selon la théorie générale du droit, apparaît comme un paradoxe proche de la contradiction. Cela peut en effet nous faire penser que l’article 88-2 bien que faisant maintenant formellement partie intégrante de la constitution est en réalité matériellement inconstitutionnel(32) . Les décisions du Conseil constitutionnel du 9 avril 1992 et du 2 septembre 1992 à propos de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 sont à cet égard assez frappantes(33) . Le Conseil constitutionnel a en effet estimé dans sa deuxième décision que les dispositions du traité de Maastricht insérées dans la Constitution de 1958 (article 88-2) étaient constitutionnelles alors qu’il les avait jugées avant la révision dans sa première décision comme inconstitutionnelles. Hélas, cette révision constitutionnelle ressemble fort à un tour de passe-passe dont le seul critère formel montre ses limites avec cette réforme de la Banque de France. Il existe par conséquent bel et bien une hiérarchie implicite entre l’article 20 de la constitution de 1958 et le traité de Maastricht par le biais de l’article 88-2.

Un autre raisonnement peut consister à soutenir que l’article 88-2 qui permettra à terme le transfert du pouvoir monétaire français au niveau européen n’est qu’une exception à l’article 20 et à la souveraineté de l’Etat français. Mais là aussi, ce raisonnement dans l’Etat actuel du droit positif constitutionnel ne peut-être valablement soutenu. En, effet le propre de la souveraineté d’un Etat est bien justement d’être souveraine… C’est-à-dire de ne pas souffrir d’exception, surtout d’exception du type et de la taille de celle que réprésente le pouvoir monétaire. L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est d’ailleurs là pour nous le rappeller: « Le principe de souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». De même, les articles 2 et 3 de la Constitution de 1958 prévoient que « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale et que la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum… » « Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice… ». La simple lecture de ces articles nous montre qu’il est impossible de concevoir une exception au principe de souveraineté de l’Etat français. Certains auteurs(34) estiment pourtant que les contradictions apparentes entre les diverses dispositions de la Constitution se résolvent au besoin par l’interprétation d’ensemble du texte. Là aussi, cet argument peu sembler séduisant, mais lorsque la contradiction sur le fonds est un peu trop forte, il devient impossible de dégager une interprètation à tendance univoque. Des thèses proches de l’antagonisme se valent. Dans cette situation, le juriste ne peut plus organiser avec précision le fonctionnement du pouvoir d’Etat et le politique règne en maître. C’est sans doute là que réside l’insoluble problème des rapports dialectiques que le droit positif entretient avec le milieu qu’il doit régir. Les réformes de grande ampleur remettant en cause le droit existant sont souvent difficiles à accepter ou à comprendre par le milieux administré. Aussi, seules de nouvelles pratiques déviantes qui deviendront peut-être coutumes ou de nouvelles règles contredisant en partie les anciennes pourront adapter le système normatif aux objectifs politiques à atteindre. La dynamique de la construction européenne correspond tout à fait à cette logique. Si le juriste fait rarement preuve de prescience dans ces périodes de mutation, son devoir sera quand même de redonner au système juridique toute sa cohérence dans les plus courts délais. Or, les réajustements sont assez importants à effectuer. A l’occasion de cette seule réforme de la Banque de France fondée sur le droit européen, on aura pu observer le Conseil constitutionnel voir le législateur être constitutionnellement en mesure de ne pas respecter l’esprit de sa décision protégeant la souveraineté de l’Etat français (Ce qui est pour le moins inconstitutionnel…). Notre même législateur aura pu opérer une quasi-révision constitutionnelle par une loi ordinaire et déposséder le gouvernement d’une de ses prérogatives les plus importantes en temps de guerre économique, celle de diriger la politique monétaire. Ce dérèglement de la pratique des textes de la V° République montre à vrai dire une remise en cause des principes de souveraineté de l’Etat, de séparation des pouvoirs, de hiérarchie des normes et de révision constitutionnelle(35) . Or, ces notions de théorie générale du droit constitutionnel correspondent à une architecture qui avait fait ses preuves pour protéger les sociétés démocratiques et républicaines. Il serait par conséquent fort louable que le rôle de chaque institution soit réajusté ou redéfini afin que ces principes recouvrent leur complète effectivité.

B/ Les exigences européennes devant à terme déposséder les Banques centrales de leurs pouvoirs:

L’indépendance maintenant accordée à la Banque de France doit cependant être relativisée par le caractère normalement transitoire des pouvoirs que vont exercer les membres du Conseil de la politique monétaire. En effet, l’indépendance des banques centrales correspond à la deuxième phase selon l’article 109 E du traité de Maastricht. Mais cette deuxième phase n’est qu’une étape vers la troisième phase qui prévoit la mise en place de la monnaie unique et le transfert des compétences en matière de politique monétaire des Etats membres au niveau Européen. L’article 109 j dispose d’ailleurs entre autre que la troisième phase se caractérise par les institutions que sont la monnaie Unique et le système européen de banques centrales. L’article 106 du traité de Maastricht ainsi qu’un protocole spécifique qui lui est annexé définissent le système européen de banques centrales (SEBC), composé d’une banque centrale européenne (BCE) et des banques centrales nationales.

Il faut savoir que les textes prévoient une prééminence de la BCE sur les banques centrales. Cette prééminence se justifie par l’impossibilité de maintenir des politiques monétaires nationales sur une masse monétaire qui sera alors devenue commune. Le principe de subsidiairité(36) prévoit donc que les banques centrales nationales pourront garder des missions autres que les missions du SEBC, sauf opposition des gouverneurs exprimée à la majorité des deux-tiers des suffrages exprimées, pour cause d’interférence avec les missions du SEBC. Il faut savoir aussi que ces missions des banques centrales s’effectuent alors sous leur propre responsabilité et à leurs propres risques.

L’Etat français ne connaissant pas de difficultés financières trop graves et désirant toujours faire partie des douze sera donc à terme dépossédé de sa souveraineté financière. L’article 105 alinéa 2 du traité de Maastricht est sur ce point très clair puisqu’il prévoit que les missions fondamentales du SEBC consistent à définir et mettre en oeuvre la politique monétaire de la communauté. On remarquera à ce propos que lorsque la phase 3 sera entrée en vigueur, il ne sera pas possible, selon le traité, pour les Etats ayant adopté la monnaie unique d’invoquer une réserve de souveraineté pour résoudre leurs problèmes financiers intérieurs. Il est même prévu à l’article 104C paragraphe 11 un arsenal de sanctions pour contraindre les Etats membres à se soumettre à la politique monétaire de la Banque centrale européenne. Mais l’étude de ces sanctions montre bien à quel point la construction européenne n’en est encore qu’au stade de la confédération. Ces sanctions et l’ensemble des dispositions du traité laissent en réalité de manière implicite une réserve de souveraineté aux Etats membres en matière financière. Cette réserve de souveraineté est potentielle et plutôt brutale à envisager. Mais elle existe bel et bien puisque les pouvoirs de police et la force armée des Etats membres ne font pas l’objet de transferts de compétence au niveau européen. Chaque Etat membre conservant le commandemant de sa force armée, il paraît donc raisonnable d’envisager qu’en cas de crise grave de l’union européenne, les Etats membres auront la possibilité de renationaliser leur politique monétaire.

Enfin, il nous reste à évoquer des dispositions importantes, sans lesquelles l’indépendance de la Banque de France et les pouvoirs qu’elle devra transférer au niveau européen seraient une réforme dénuée de tout sens. Ces dispositions sont contenues dans l’article 107 du traité de Maastricht qui organise l’indépendance de la Banque centrale européenne. Cet article dispose en effet en des termes très proches de ceux adoptés par le législateur français pour la Banque de France que dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le présent traité et les statuts du SEBC, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des Etats membres ou de tout autre organisme. Les institutions et organes communautaires ainsi que les Gouvernements des Etats membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions.

CONCLUSION:

Il est sans doute dommage que le Conseil constitutionnel n’ait pas été saisi une nouvelle fois à la suite du vote de la loi du 31 décembre 1993 rétablissant les dispositions qu’il avait annulées quelques mois auparavant. Peut-être aurait-il pu dégager des critères nous permettant de mieux discerner comment vont désormais s’articuler et évoluer les rapports entre la loi française et les normes européenes en matière de transfert de souveraineté.

L’indépendance de la Banque de France a été qualifiée par la presse à juste titre comme une petite révolution(37, 38) . L’histoire monétaire de la France et les difficultés constitutionnelles que nous venons d’évoquer montre en effet que cette indépendance n’avait après tout rien d’évident et n’aurait sûrement pas vu le jour si le législateur n’avait pu finalement prendre appui sur le droit européen. Reste, rappelons-le, que cette réforme ne correspond normalement qu’à une phase transitoire de la construction européenne. Fondée sera l’interrogation sur la durée de cette phase transitoire. Le traité de Maastricht semble prévoir des délais bien courts. Il est fort à craindre que la crise économique du moment, les 17 millions de chômeurs que connaît l’Europe et les tendances à la divergence des économies(39) incitent plutôt les Etats membres à renationaliser en pratique leurs politiques monétaires et à reculer la date d’adoption d’une monnaie unique. Céder à cette tentation aurait des conséquences néfastes. Le transfert du pouvoir monétaire au niveau européen nous semble en effet être une nécessité et la meilleure solution pour restaurer la souveraineté de la puissance publique sur le pouvoir monétaire.

Le 04 août 1994

Christophe Leroy

Attaché temporaire d’enseignement et de recherche à l’Université

Paris XII Saint-Maur.

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(1)article 20: Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l’administration et de la force armée. Il est responsable devant le parlement dans les conditions et procédures prévues aux articles 49 et 50.

article 21: Le premier ministre dirige l’action du Gouvernement. Il est responsable de la défense nationale. Il assure l’exécution des lois. Sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires. Il peut déléguer certains de ses pouvoirs aux ministres. Il suplée, le cas échéant, le Président de la république dans la présidence des conseils et comités prévus à l’article 15. Il peut, à titre exceptionnel, le suppléer pour la présidence d’un Conseil des ministres en vertu d’une délégation expresse et pour un ordre du jour déterminé.

(2)Article 34 : la loi fixe les règles concernant le régime d’émission de la monnaie..

(3)L’article 78 énumére les compétences de la Communauté. Il place la monnaie sur le même plan que la politique étrangère et la défense.

(4)J.P. Patat, « La politique monétaire », Revue Banque, mars 1991 in Problèmes économiques, n°2292 du 23/09/1991.

(5)Rapport du Sénat relatif au statut de l a Banque de France par M. Jean Arthuis, Sénateur. Rapport n°388, seconde session ordinaire de 1992-93, annexe au procès verbal de la séance du 23 juin 1993.

(6)Aux Etats-Unis, en Suisse ou en Allemagne, les Etats Fédéraux ont soustraits l’émission de la monnaie aux Etats fédérés, ce qui implique le lien entre monnaie et souveraineté. Dimitrys Triantafyllou, « L’activité administrative de la Banque de France », ed. Litec, 1992, p.5.

(7)Les effets les plus perceptibles sont, entre autre, des politiques monétaristes, la volatilité excessive des marchés monétaires, une concurrence effreinée dans le domaine industriel et commercial et une course à la productivité dans laquelle nombre de sociétés ne semblent pouvoir trouver leur salut qu’en ayant recours à des délocalisations vers des pays où les droits de l’homme et la protection sociale sont réduits en pratique au strict minimum.

(8)On remarquera que la Banque de France ne bénéficie pas d’un statut constitutionnel, à moins que l’on considère que son statut découle d’un principe fondamental reconnu par les lois de la république. Cf. Cons. Const. 22 juillet 1980, AJDA 1980, p.480 à propos de l’existence de l’indépendance et des fonctions de la juridiction administrative.

(9)Au Contraire, Pierre Lalumière conteste la nécessité d’un pouvoir monétaire qui puisse s’opposer au Gouvernement démocratiquement désigné. Les finances publiques, Paris A. Collin, 1976, P.435.

(10)La monnaie, « parcelle de souveraineté », est un facteur libéralisant le pouvoir étatique qui se voit même concurrencé par le pouvoir monétaire, Despaux A., Le pouvoir monétaire, Paris, Librairie M. Rivière et Cie, 1954, p.24.

(11)Nous en sommes actuellement à la deuxième phase se caractérise par un double objectif:

– La convergence des économies dont les critères sont un dégré élevé de stabilité des prix, un déficit public modéré, des marges de fluctuation normales et des taux d’intérêts convergents.

– L’indépendance des banques centrales.

(12)Voir le Projet de loi Assemblée nationale, n°158, deuxième législature, mai 1993, n°416, deuxième législature, juillet 1993, le projet de loi Sénat, n°356, Seconde session ordinaire de 1992-93, juin 1993 et la loi n°93-980 du 4 août 1993, J.O. du 6 août 1993, p.11047.

(13)Rapport assemblée nationale n°270 fait au nom de la Commission des finances, de l’économie générale et du plan sur le statut de la Banque de France. 3 juin 1993, deuxième législature, p.34 et s.

(14)Monsieur le Professeur Nguyen van tuong fait remarquer que si l’on se place dans la perspective de la troisième phase de l’Union économique et monétaire, la disposition de la loi pouvait apparaître comme prématurée, soit comme superflue. Préamturée parceque le traité sur l’union européenne n’était pas encore entré en vigueur à la date de la décision du Conseil constitutionnel et parce que la troisème phase ne débutera dans le meilleur des cas que le 1 janvier 1997. Superflue, parce que selon toute vraissemblance, les transferts de compétence prévus au nouvel article 88-2 de la constitution se feront, en matière de politique monétaire, directement entre la France et L’uinion européenne, sans l’intermédiaire d’une Banque de France indépendante. Voir semaine juridique, JCP, II, 22193 (Cette note de jurisprudence ne tient pas compte de la loi du 31 décembre 1993 rétablissant les dispostions annulées par le Conseil constitutionnel).

(15)L’article 88-2 de la constitution, issu de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992, dispose que: « Sous réserve de réciprocité, et selon les modalités prévues par le traité de sur l’Union européenne signé le 7 février 1992, la France consent aux transferts de compétence nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne… » qu’au terme de l’article R du traité: « Le présent traité entrera en vigueur le 1 janvier 1993, à condition que tous les instruments de ratification aient été déposés… »

(16)Dans l’exposé de ses motifs, la loi ne fait pas référence aux exigences européennes. Il s’agit selon M. Alaphandéry d’une décision autonome du Gouvernement prise au regard de l’intérêt intrinsèque de la réforme. M. Alphandéry attribue à une volonté purement française l’indépendance de la Banque de France. Le monde du 13 mai 1993.

(17)Article 55 de la Constitution: Les traités ou accord régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie.

(18)Article 35 de la loi du 4 août 1993: Les articles 8,12 et 13 de la présente loi, relatives à la nomination des membres du Conseil de la politique monétaire, du Conseil général; du Gouverneur et des sous-gouverneurs de la Banque de France entrent en vigueur à la date de sa publication (JO du 6 aout 1993, P. 11050). Jusu’à la date d’installation de ces conseils qui interviendra au plus tard le 1 janvier 1994, la Bnaque de France reste régie par les dispositions de la loi n°73-7 du 3 janvier 1993 sur la Banque de France. A compter de cette date, la loi n° 73-7 précitée est abrogée.

(19)On pense bien sur à la jurisprudence « IVG » du 15 janvier 1975 à la quelle le Conseil constitutionnel est resté fidèle. Cette jurisprudence exclut en effet tout contrôle de constitutionnalité des lois par rapport aux conventions internationales auxquelles la France peut-être liée, et, par conséquent, par rapport à toute source européenne fondamentale ou dérivée. Les grandes décisions du Conseil Constitutionnel, Louis Favoreu, Loïc Philipp, Ed. Sirey, 6° Edition.

(20)Article 8 de la loi du 6 août 1993: Le Conseil de la politique monétaire comprend, outre le Gouverneur et les deux Sous-Gouverneurs de la Banque de france, six membres. Ces six membres sont nommés par décret en Conseil des ministres pour une durée de neuf ans…. Article 10: Il ne peut être mis fin, avant terme, aux fonctions des membres du Conseil de la politique monétaire que si ils deviennent incapables d’exercer celles-ci ou commettent une faute grave, par révocation motivée du Conseil de la politique monétaire statuant à la majorité des membres autres que l’intéressé. Les fonctions de membres du Conseil de la politique monétaire sont exclusive de toute autre activité professionnelle publique ou privée, rémunérée ou non, à l’exception, le cas échéant, après accord du Conseil de la politique monétaire , d’activités d’enseignement ou de fonctions exercées au sein d’organismes internationaux. Ils ne peuvent exercer de mandats électifs. S’ils ont la qualité de fonctionnaires, ils sont placés en position de détachement et ne peuvent recevoir une promotion au choix…

(21)Cons. const. 17 janvier 1989, dec. n°88-248 DC relative au Conseil supérieur de l’audiovisuel; L. Favoreu et L. Philip, les grandes décisions du Conseil constitutionnel, sirey, 6°ed., p.724 et s.

(22):C’est ainsi par exemple que certains articles de la loi du 2 août 1989 concernant les injonctions et les sanctions que la C.O.B peut prononcer à l’égard des contrevenants à la réglementation boursière ont fait l’objet de recours devant le Conseil constitutionnel. Les motifs invoqués par les requérants ayant déféré ces articles de lois, étaient que la possibilité donnée à la C.O.B, émanant du pouvoir exécutif, de prononcer des injonctions et des sanctions, constituait une atteinte manifeste à certains articles de la Constitution de 1958 et à certains principes contenus dans la Déclaration des droits de l’homme – Notamment le principe de séparation des pouvoirs -. Sur l’ensemble des articles incriminés, seul l’article 10 concernant la possibilité pour la C.O.B de se porter partie civile, de déposer des conclusions ou d’intervenir, a été annulé. Pour le reste, l’article 5 de la loi du 2 août 1989 formant les alinéas 1 et 2 de l’article 9 de l’ordonnance de 1967 lui permettant en tant que pouvoir exécutif de prononcer des injonctions et des sanctions ont été déclarés conformes à la constitution. Cela n’a pas manqué de laisser insatisfait le plus grand nombre des puristes de l’art juridique. Il était presque tentant de penser que la C.O.B était devenue une juridiction d’exception, mais le Conseil constitutionnel l’a qualifié d’autorité administrative, comme il l’a fait pour le Conseil de la concurrence.

(23)Décision « Conseil de la concurrence » du 23 janvier 1987, Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 6° édition, p.709 et s. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel a estimé que le transfert à la juridiction judiciaire du contrôle des décisions du Conseil de la Concurrence ne méconnaissait pas le principe de séparation des autorités administratives et judiciaire. Le Conseil à cependant estimé dans cette même décision que compte tenu de la nature non juridictionnelle du Conseil de la concurrence, de l’étendue des injonctions et de la gravité des sanctions pécuniaires qu’il peut prononcer, le droit pour le justiciable formant un recours contre une décision de cet organisme de demander et d’obtenir, le cas échéant, un sursis à l’exécution de la décision attaquée constitue une garantie essentielle des droits de la défense.

(24)Christophe Leroy, « L’encadrement juridique des marchés financiers par la puissance publique », Thèse, juin 1993, Université Paris XII-Saint-Maur, p.81.

(25)CE 8 août 1919, Labonne. Droit administratif, Les grandes décisions de la jurisprudence, Jean François Lachaume, Presses universitaires de France.

(26)Le passage à la troisème phase marquera le début de l’union économique et monétaire. Ce passage se fera soit le 1 janvier 1997 après un examen des critères de convergence de chaque Etat membre, soit automatiquement le 1 janvier 1999. Cette phase se caractérisera d’une part, par une fixation irrévocable de la parité des monnaies entre elles, dans le but d’introduire l’Ecu comme monnaie unique, d’autre par la création d’un système européen de Banque centrale composé de la Banque centrale européenne et des banques centrales nationales.

(27)On pense bien sûr au Conseil de la concurrence et à la Commission des opérations de bourse. Si la création de cette dernière remonte à une ordonnance de 1967, elle n’a reçu du législateur le pouvoir réglementaire qu’en 1985 et ses pouvoirs d’injonctions et de sanctions qu’avec la loi du 2 août 1989.

(28)Les six nouveaux membres du Conseil de la politique monétaire en plus des hauts foncfionnaires ont été désigné par décret pris en conseil des ministres. Les six nouveaux membres sont: Michel Albert, Bruno de Maulde, Jean-pierre Gérard, Jean Boissonnat, Denise Flouzat et Michel Sapin.

(29): loi n°93-1444 du 31 décembre 1993, J.O du 5 janvier 1994, p. 231.

(30)La loi n°93-24 du 13 juillet 1993

(31)C.J.C.E Costa c/ E.N.E.L 15 juillet 1964, C.J.C.E Acciaierie San Michele 1965, C.J.C.E Simmenthal, 9 mars 1978. Voir les Grands arrêts de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, p.158 et s.

(32): « La souveraineté de l’Etat, le pouvoir constituant et le Traité de Maastricht: Remarques sur la méconnaissance de la limitation de la révision constitutionnelle. « La constitution doit être interprétée comme protégeant non pas seulement les individus, mais aussi la souveraineté de l’Etat ». Olivier Beaud, Revue française de droit administratif, Nov. Déc. 1993, p.1049.

(33): Décision n°92-308 DC du 9 avril 1992, Decision n°92-312 du 2 septembre 1992. Loi constitutionnelle n°92-554 du 25 juin 1992 ajoutant à la constitution de 1958 un nouveau titre XVI: « Des communautés européennes et de l’Union européenne ».

(34)B. Genevois, « le Traité sur l’Union européenne et la Constitution révisée », Revue Française de droit administratif, Nov.Déc. 1992, p.937 et s.

(35)Voir en ce sens l’article d’Etienne Picard, « Vers l’extension du bloc de constitutionnalité au droit européen? », Revue francçaise de droit administratif, Jenavier-février 1993, p.47.

(36)Le principe de subsidiarité limite les interventions de la communauté . L’article 3B sur l’union européenne précise: « dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la communauté n’intervient, conformément au principe de subsidiarité, que dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent être réalisés de manière suffisante par les Etats memebres et peuvent donc, en raison de dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire ».

(37)Voir par exemple l’article de François Renard, « Naissance d’un pouvoir », Le Monde, Jeudi 6 janvier 1994, p.12.

(38) »Le Gouverneur de la Banque de France a déclaré: « Un évènement d’une telle ampleur se produit une fois par siècle. Il y a eu 1936 et maintenant ». Le Figaro du mercredi 5 janvier 1994.

(39)Voir l’article d’Eric Le Boucher, »L’union économique phase 2″, Le Monde, mardi 4 janvier 1994, p.1 et 15.