Le débat sur l’autonomie du droit économique rappelle les temps heureux de la seconde scolastique. Au sortir du moyen âge, les théologiens de la seconde scolastique voyaient, dans leur réflexion sur la chose publique, l’Etat s’ériger comme une sorte de double de l’Eglise. Pour ces penseurs de l’Eglise, ces deux puissances se distinguaient radicalement par leurs fondements, leurs fins et leurs moyens. L’Etat et l’Eglise relevaient de deux raisons différentes. L’approfondissement du débat nous a montré combien ils avaient en réalité de sens l’un par rapport à l’autre et combien ils ne pouvaient peut-être plus exister l’un sans l’autre(1) . En cette fin du XX° siècle, l’Etat voit à son tour se dresser devant lui la toute puissance du marché international. Comme les théologiens dissertaient des rapports entre l’Eglise et l’Etat, le juriste contemporain se trouve plongé dans l’étude des rapports entre la puissance de l’Etat et la puissance du marché(2) .
Le juriste étudie les rapports entre l’Etat et le marché à l’aune du droit et le droit se trouve d’une certaine manière devant la problématique des rapports qu’il avait avec l’Etat à la fin du XIX° siècle. Un des grands problèmes du droit public dans l’affirmation de sa juridicité fut en effet de subordonner le pouvoir d’Etat à son autorité par le biais de la théorie de l’Etat de droit(3) . Le droit avait en quelque sorte à dompter le pouvoir d’Etat. Le nouveau problème qui se pose au droit public de cette fin du XX° siècle est d’arriver à subordonner la puissance économique du marché international au droit. Et le problème est d’autant plus ardu à résoudre que les conceptions classiques de la dogmatique juridique n’apportent pas de solutions convaincantes. Bien plus, le domaine des relations internationales nous semble avoir complètement renouvelé les bases mêmes du droit public économique au point que l’on assiste à un véritable dépassement de la théorie étatiste du droit(4) . Il nous semble ainsi que nous assistons en cette fin du vingtième siècle à l’émergence d’un droit dont l’originalité est à la mesure de cette nouvelle civilisation en formation à un niveau planétaire. La mondialisation se construisant essentiellement autour de phénomènes économiques, il peut-être intéressant d’étudier comment le droit se recompose en fonction de ces phénomènes(5) . Nous en sommes actuellement à un niveau où un seuil a été franchi et bien que d’éminents auteurs(6) maintiennent dans les dernières éditions de leurs ouvrages qu’il y a toujours absence d’autonomie du droit économique, cette question de l’autonomie nous semble actuellement posée en des termes renouvelés. Le droit économique est-il un droit autonome à l’instar du droit civil ou du droit administratif ? Longtemps considéré comme étant en quelque sorte un appendice du droit administratif, le droit public économique ne s’en distinguait effectivement pas par ses éléments constitutifs essentiels. S’il y a peu d’évolution sur le plan des critères formels, la teneur du droit matériel a néanmoins maintenant évolué à un point justifiant une réflexion approfondie.
Evoquer l’autonomie d’une branche du droit est une question délicate car cette notion d’autonomie est imprécise. Il n’existe aucun critère qui permette en réalité d’affirmer de façon péremptoire qu’une branche du droit a une parfaite autonomie. L’autonomie d’une branche du droit se décèle plutôt par l’utilisation de la technique du faisceau d’indices qui met à un moment donné en relief certains aspects du droit où l’on peut remarquer l’émergence d’une spécificité. Selon le Doyen Vedel, une branche du droit supposerait l’existence de principes autonomes ou la combinaison de principes et de méthodes relevant jusqu’à présent de branches différentes(7) . Cette remarquable définition a le mérite de poser implicitement le problème du moment à partir duquel un droit peut être considéré comme autonome. Comme cette autonomie ne se décide pas par un acte de droit positif, il faut donc observer l’évolution de la matière juridique et décider, avec un souci d’objectivité scientifique, à partir de quel moment un glissement significatif s’est opéré. Il conviendra tout de même de reconnaître qu’affirmer qu’une branche du droit est autonome relève d’un jugement quelque peu politique fait d’approximations déformantes. A ce propos, l’ampleur du débat politique qui sous-tend cette mutation du droit n’est pas à sous estimer. Il nous semble même que le simple commentaire juridique n’étant pas suffisant, une étude critique des enjeux politiques s’impose(8) . Nous allons donc étudier quel a été le changement d’objectifs assignés au Droit public économique, comment il a été subordonné au droit européen et international avant d’aborder la mutation de sa teneur qui a fait son autonomie.
I/ LA REMISE EN CAUSE DE L’INTEGRATION DU DROIT PUBLIC ECONOMIQUE AU SEIN DU DROIT PUBLIC CLASSIQUE
A/ Le changement d’objectifs assignés au droit public économique
Le débat est ancien et la doctrine de la fin des années 1970 et du début des années 1980 nous montrait déjà fort bien la difficulté qu’il y avait à définir les rapports entre droit et économie. Droit économique, droit économique privé, droit économique public, droit public économique, plusieurs tentatives de définitions étaient avancées pour essayer de circonscrire le mieux possible les dernières évolutions du droit dont l’objet avait été dans le domaine économique de mettre en œuvre la reconstruction au lendemain de la seconde guerre mondiale, de faciliter le développement de nombreux services publics, pour ensuite encadrer la montée en puissance d’une économie libérale s’ouvrant à l’internationalisation. Le droit public économique pouvait-il être considéré comme une nouvelle branche autonome du droit où n’était-il qu’un développement du droit public et pour certains aspects du droit privé(9) ? Le droit économique n’était-il qu’une discipline autonome englobant le droit public et le droit privé(10)? N’était-il qu’une interdiscipline de ces droits publics et privés ne remettant en cause ni leur distinction, ni leurs principes fondamentaux, ni leurs caractéristiques essentielles? L’état du droit dans ses rapports avec l’économie permettait à l’époque de considérer que l’expression » droit public économique » relatait assez bien la situation. Le service public était à son apogée et des politiques quelque peu protectionnistes(11) limitaient l’internationalisation de l’économie.
On remarquera cependant que l’approche juridique ne suffisait pas à elle seule à éclairer le débat. Il fallait compter avec les sources idéologiques et les influences qu’elles pouvaient avoir sur les conceptions des systèmes juridiques en vigueur. Or, le monde était à l’époque au moins dualiste en ce qui concerne les idées politiques en vogue. Les Etats-Unis d’Amérique et l’Union soviétique présentaient une opposition idéologique radicale dans leur conception de l’Etat, de la société et du système économique. Le droit des systèmes économique était un des domaines majeurs de l’affrontement des thèses libérales et marxistes et les discours politiques de l’époque tenaient l’expression » droit économique » comme désignant le droit de la planification économique. C’est ainsi que le droit économique a pour connotation historique un droit antilibéral, c’est à dire un droit de l’organisation économique qui s’oppose aux mécanismes du marché(12) . Cette connotation nous semble aujourd’hui datée et, au delà des discours politique dogmatiques, on s’accordera à remarquer que les régimes marxistes comme les régimes libéraux ont connu un droit chargé d’organiser l’économie, voire de la planifier. Si pour l’ex-Union soviétique le planisme économique ne fait pas de doute, il a pu être dit qu’à partir du moment où un régime libéral a ses trusts et ses cartels, il y a rarement absence de planification. De même, si le libéralisme ne fait pas de doute aux Etats-Unis, il a pu être remarqué que l’Union soviétique avait laissé plus ou moins officieusement une économie de marché se développer parallèlement à son économie administrée. En ce sens, il peut être avancé que nous avons là les pôles inversés d’un même problème. Le droit de la concurrence a d’une certaine manière succédé au droit de la planification, quoiqu’il peut être vu dans le traité de Maastricht et son droit dérivé une forme redoutable de planification.
Il ressort de ces similitudes que lorsqu’il y a un Etat, il y a toujours un droit chargé d’organiser l’économie(13) . Mais nous pouvons cependant relever une opposition plus subtile entre les conceptions d’inspiration libérale et marxiste que nous venons brièvement d’évoquer. En effet, l’œuvre de droit public qui se propose de définir le plus précisément possible les termes du contrat social a une tendance à imposer, lorsqu’elle est au service de Gouvernements de gauche, une organisation quelque peu artificielle. Le droit public relève en ce sens des ordres fabriqués. A l’opposé, on remarquera que les tenants de l’ordre libéral n’assignent pas au droit public la même ambition de tenter de contrôler si précisément la société et d’imposer un ordre économique. Les dirigeants de l’Etat libéral dans un esprit de droit coutumier chercheraient plutôt a juridiciser l’ordre spontané et mûri de la société civile. Il reste que cette distinction séduisante sur le plan intellectuel nous semble assez peu convaincante lorsqu’on analyse par exemple les derniers développements du droit européen. Les » grilles » d’analyse et les critiques aussi bien marxistes que libérales ne rendent pas bien compte les dernières évolutions de ce droit européen. En ce sens, le droit européen et le droit international économique contemporain renouvellent profondément la problématique de l’autonomie du droit économique.
Les idées politiques dominantes du moment semblent en effet assigner au droit des objectifs à atteindre assez différents de ceux que nous connaissions par exemple avec notre droit public interne d’il y a à peine un peu plus d’une dizaine d’années. Ce changement d’objectifs assigné au droit public économique a en réalité bouleversé la teneur de ce droit au point de relancer le débat sur sa définition. L’appellation de droit public économique convient-elle encore à un droit dont les objectifs sont le désengagement de l’Etat du domaine économique et la mise en place de règles destinées à encadrer l’économie de marché sans réel régime dérogatoire pour la puissance publique? Le droit public économique se serait-il transformé en droit économique public ou en droit de l’économie?
La victoire des idées politiques du monde libéral a eu des répercussions multiples sur le système juridique français dont il convient maintenant de bien comprendre la mutation. Le droit public économique a pu être à juste titre considéré comme un appendice du droit administratif. Droit de la puissance publique, du service public dont l’objectif était de satisfaire l’intérêt général des administrés, le droit public économique ne se distinguait qu’assez peu du droit administratif classique quant à ses sources, son mode de formation et les moyens de sa mise en œuvre. La problématique se trouve bien entendu maintenant renouvelée avec la supériorité affirmée des normes communautaires et internationales sur le droit interne, normes axées pour l’essentiel sur l’organisation et le fonctionnement d’un marché européen, voire pour les accords GATT-OMC d’un marché mondial(14) . Or, ces normes européennes et internationales s’imposant au droit public interne français ne sont pas sous-tendues par les mêmes conceptions des rapports entre Etat et marché et ne posent pas les mêmes critères de fonctionnement de l’économie. Le phénomène économique n’est pas régi de la même façon. Notre droit administratif classique est avant tout un droit d’essence républicaine dont l’objectif affirmé est d’être au service des administrés. L’idéologie issue de la révolution française qui sous-tend la logique du droit administratif est bien celle de la célèbre trilogie » Liberté, égalité, fraternité « . Ainsi, Le droit public classique fonde son action sur la notion d’intérêt général. L’intérêt général dont est juge la puissance publique n’a pas réellement de définition juridique précise. Il faut lire la jurisprudence du Conseil d’Etat pour se rendre compte de la souplesse de la notion d’intérêt général, qui permet de tenir compte dans l’intervention de la puissance publique d’une multitude de facteurs pour la satisfaction des administrés. L’administration et le juge disposent en ce sens d’une marge d’interprétation leur permettant de considérer une situation dans son ensemble(15) . Tel n’est plus le cas lorsqu’un domaine est régi par le droit de la concurrence où l’impératif économique devient le critère prépondérant.
On constate dès lors que les idées politiques qui sous-tendent le droit européen sont finalement assez éloignées de cette conception du droit public français. Droit d’inspiration anglo-saxonne, droit destiné avant toute chose à mettre en œuvre un marché unique, le droit européen a une tendance assez lourde à considérer avant tout l’activité humaine sous l’angle économique en créant des règles de droit destinées à favoriser le développement de la puissance industrielle, commerciale et financière des intérêts privés en général, puissance dont les bénéficiaires sont selon le discours libéral en vigueur les consommateurs.
Il faut bien considérer à cet égard que les dernières évolutions du droit européen et des traités économiques internationaux montrent maintenant assez clairement le changement d’objectifs politiques. Il suffit de se référer à ce qui était politiquement exigé du droit public économique classique pour mesurer le décalage.
Le droit public économique pouvait être considéré au moins jusqu’en 1986 comme le droit de l’interventionnisme direct de l’Etat et n’était en ce sens qu’un développement du droit administratif dans le domaine économique. Bien qu’il n’existe pas de définition juridique de l’interventionnisme de l’Etat en matière économique, on peut tout de même en déterminer les traits principaux par l’étude des instruments utilisés. Il suffit de penser aux actes unilatéraux, aux contrats administratifs, aux concessions, aux marchés publics ou au plan. Ces instruments étaient – et sont encore – les moyens juridiques dont disposaient la puissance publique pour mettre en œuvre sa mission d’intérêt général dans le cadre de ses missions de service public. Or, ces instruments ne se retrouvent pas au niveau européen tels que nous les connaissons en droit interne.
On peut également remarquer que jusqu’à la fin des années 80 la construction européenne en était encore à ses prémisses en ce qui concerne la force obligatoire de son droit. En effet, bien que la CJCE eût affirmé dans quelques arrêts(16) célèbres la supériorité du droit communautaire sur le droit interne des Etats membres, la reconnaissance de cette supériorité du droit européen par les autorités des mêmes Etats membres n’était pas pleinement affirmée. Aussi, l’Etat conservait-il les moyens juridiques lui permettant d’exercer sa souveraineté sur l’économie nationale. Frontière douanière, prix administrés, contrôle des changes, forte présence de l’Etat dans l’économie par le biais des entreprises publiques, régime juridique dérogatoire pour les personnes de droit public intervenant dans le domaine industriel et commercial, institutions de monopoles, droit des circonstances exceptionnelles, l’Etat détenait les pouvoirs clefs qui lui permettaient d’être le principal acteur du système économique libéral instauré sur son territoire.
De manière tout à fait symbolique pour le droit public économique sur le plan interne, la révolution s’est opérée pour l’essentiel avec l’ordonnance de 1986 qui met en place un droit de la concurrence très libéral et soumet les personnes morales de droit public au droit commun des affaires en matière de concurrence pour toutes les activités de production, de distribution et de services(17) . Il est clair que les commentateurs de ce texte n’ont pas toujours mesuré le bouleversement qu’il impliquait. D’un droit organisant une mission de service public qui faisait l’essence même du droit public économique, on est passé en quelque sorte à un droit dont la mission correspond à un encadrement du marché. La puissance publique dans ce contexte ne se trouvait plus être à terme un acteur aussi privilégié du monde économique mais, pour l’essentiel, en ce qui concerne le domaine industriel et commercial, un acteur de droit commun. L’objectif assigné au droit public économique changeait. Il ne s’agissait plus pour la puissance publique d’imposer de manière unilatérale au monde économique des mesures chargées de défendre l’intérêt général, mais de mettre en œuvre un cadre juridique chargé d’assurer la véritable mise en place d’une économie de marché. C’est ainsi que dans le domaine industriel et commercial, l’intervention directe de l’Etat au nom de l’intérêt général a progressivement marqué un recul assez net au profit du marché chargé par le jeu de l’offre et de la demande de satisfaire au mieux les besoins de la société. La puissance publique par le moyen du droit a donc pour mission d’assurer que soit mise en œuvre une libre concurrence dotée d’une régulation administrative et juridictionnelle efficace.
En fait de changements d’objectifs politiques, les nouveaux objectifs assignés au droit économique introduisent une sorte de renversement des valeurs. Au niveau européen, il est clair que l’Etat voulant créer un service public dans le domaine industriel et commercial doit de nos jours se justifier au regard du droit de la concurrence. Au niveau international, le libre échange des accords GATT-OMC s’effectue à l’heure actuelle en dehors de toutes règles de concurrence assurant un minimum de loyauté(18, 19) . On remarquera dans ce contexte que la conciliation entre l’authentique intérêt public tel que le concevait le droit administratif et le libre échange international devient problématique. En effet, le libre échange qui est au mieux un moyen devient la référence. C’est à l’intérêt public, qui apparaît plutôt comme une fin, de s’y adapter en devant faire la preuve qu’il est authentique(20) . C’est ainsi que le moyen devient la fin. Cette sorte de primauté du droit de la concurrence sur le droit du service public chargé de défendre l’intérêt général pourra apparaître comme une curiosité pour un Etat républicain et démocratique.
Le simple changement d’objectifs politiques ne nous semble pas être un critère suffisant pour affirmer qu’il y a eu une indiscutable mutation du droit public économique. Il faut aussi considérer la mutation de ce droit en examinant son intégration aux normes internationales.
B/ L’intégration juridique européenne et mondiale de l’économie
Un autre élément significatif de l’évolution du droit public des activités économiques est la reconnaissance de la supériorité des normes européennes et internationales sur le droit interne. C’est ainsi, par exemple, que les juridictions françaises ont reconnu la supériorité des traités communautaire et de leur droit dérivé sur les lois et les règlements. On ne peut toujours pas dire – quand bien même certaines jurisprudences de la CJCE pourraient le laisser penser(21) pour l’U.E. – que le traité de l’union européenne et les traités économiques sont supérieurs aux constitutions des Etats membres. On notera cependant que la constitution de 1958 ne contient pas vraiment de dispositions qui entrent explicitement en conflit avec les textes des traités économiques. La lecture du texte de la constitution de 1958 nous montre que la conception de la souveraineté à l’époque de la rédaction du texte n’envisageait pas explicitement l’économie comme un attribut de la souveraineté ou comme pouvant la limiter ou la remettre en cause. Il y a eu certes depuis 1958 révisions constitutionnelles et jurisprudences du Conseil constitutionnel pour rendre la constitution compatible avec le traité de l’Union. Mais on remarquera assez peu de contradictions explicites sur le fond entre les deux textes. Il pourra quand même être relevé des débats assez approfondis sur les limites du pouvoir constituant institué à réviser les textes. C’est ainsi que certains auteurs émettent de sérieuses réserves sur la possibilité d’aller au delà d’une stricte interprétation du texte constitutionnel alors qu’il nous apparaît comme certain en effet que ces limitations de souveraineté portent atteinte à la nature même de l’Etat. Il peut en ce sens être soutenu qu’une interprétation extensive de l’article 89 de la constitution de 1958 impliquerait une limitation matérielle et implicite au texte constitutionnel qui devrait être prise en compte au nom de principes considérés comme supraconstitutionnels. Une lecture de l’article 89 al.5 de la constitution est de considérer que la République est d’abord logiquement un Etat avant d’être un Etat républicain. La révision constitutionnelle mise en œuvre en 1992 ne pouvait par conséquent, selon ce raisonnement, porter atteinte à la « nature étatique » de la constitution(22) . Dans le même esprit, l’utilisation de l’article 88-2 de la constitution(23) pour transférer des compétences à l’Union européenne amène le même type d’interrogations. C’est ainsi par exemple qu’il a pu être remarqué dans l’affaire de l’indépendance de la Banque de France(24) l’établissement d’une hiérarchie constitutionnelle implicite des normes accordant une primauté du droit européen sur l’article 20 de la Constitution(25) .
Le débat sur ces différents points reste ouvert et on notera simplement que l’interprétation des textes constitutionnels reste favorable à la logique de la construction européenne.
De même, les traités internationaux ont une incidence de plus en plus importante sur le droit interne. Cela bien sûr par le biais de l’article 55 de la constitution de 1958 dont la force juridique a été confirmée par les jurisprudences du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat(26) et de la Cour de cassation(27) . Il est clair que ces juridictions ont maintenant bien établi la supériorité du traité de l’Union européenne et de son droit dérivé sur notre droit interne(28) . Il est donc maintenant admis que le droit constitutionnel organise une supériorité du droit européen sur le droit interne (excepté le droit constitutionnel). Si les jurisprudences récentes imposent certaines nuances en rappelant la primauté du droit interne sur le droit international – on pense aux jurisprudences Koné(29) et Sarran(30) – les possibilités offertes par le droit constitutionnel de limiter le développement du droit européen ou du droit international économique est en réalité des plus limité. Sur la teneur même des textes, la constitution et la jurisprudence n’entrent que très rarement, comme nous l’avons déjà évoqué, sur le fond en conflit avec les dispositions du droit des activités économiques. On peut ainsi avoir l’impression que droit constitutionnel et droit européen sont sur le fonds en quelque sorte deux droits parallèles que seuls arrivent à lier des jurisprudences et des procédures constitutionnelles organisant une supériorité purement formelle ou des transferts de compétences. Mais cette première analyse doit être nuancée puisque sans qu’il y ait de liens juridiques obligatoires, le droit européen est souvent inspiré des mêmes principes qui sous-tendent le droit public interne. La formulation est différente et peut-être plus adaptée au monde économique (le principe d’égalité, par exemple, régit à la fois le service public et le droit de la concurrence, mais de manière différente). Par ailleurs, cette supériorité affirmée du droit européen se heurte parfois à des difficultés concernant le domaine de sa supériorité. On notera par exemple des points de friction dans le domaine des rapports entre service public et droit de la concurrence. L’Europe ayant une vision minimaliste du service public a pour dessein d’étendre le droit de la concurrence à nombre de domaines qui étaient autrefois l’apanage du service public. Les jurisprudences internes et communautaires montrent à ce propos toute la difficulté qu’il y a à définir ce que l’on pourrait appeler le noyau dur du service public(31) . Une des méthodes qui peut être employée pour soustraire certains services publics au droit de la concurrence est de les déclarer services publics constitutionnels(32) . Ils peuvent ainsi échapper au droit européen. Mais on notera que cette possibilité qu’offre le droit nécessite avant tout une volonté politique de limiter l’extension du droit économique communautaire à l’ensemble des domaines de la société. Or, la tendance politique est plutôt de nos jours à favoriser ce développement du droit de l’Union européenne. Le Conseil constitutionnel lui-même a toujours nettement affirmé que lorsqu’un traité a été régulièrement intégré à l’ordre juridique interne, il n’est possible ni de mettre en cause sa constitutionnalité, ni de s’opposer à son application(33, 34) .
Nous en sommes de nos jours arrivés à un stade d’intégration où il est intéressant de remarquer que les traités de droit international les plus importants comme le traité de l’Union européenne et les accords GATT-OMC traitent essentiellement de problèmes économiques. La reconnaissance de la supériorité de ces traités sur la loi et les règlements internes rend de plus en plus transparent l’ordre interne vis-à-vis de l’ordre international économique. Cette supériorité des normes internationales économiques sur l’ordre interne si elle est un excellent vecteur d’intégration des Etats-membres à l’Union européenne et de l’Union européenne aux accords GATT-OMC apparaît aussi comme le principal facteur de démantèlement du droit public économique conçu selon les critères du service public. Certes, les Etats-membres transposent par la loi ou le règlement les dispositions du traité de l’Union et de son droit dérivé, mais leur marge d’interprétation de ce droit communautaire est très faible et la conception juridique des rapports qu’entretiennent puissance publique et économie est fort différente de la conception que la France avait du droit public économique.
La hiérarchie ou compatibilité entre normes au niveau international est donc maintenant relativement clairement établie. Il y a nécessaire compatibilité dans le domaine du droit économique entre les différents textes internationaux et hiérarchie entre textes communautaires et internes(35) . Le droit interne des Etats membres de l’Union européenne est bien soumis, comme nous l’avons déjà évoqué, au droit communautaire, et le traité international et multilatéral GATT-OMC prévaut normalement sur le droit de l’Union européenne(36, 37) . En ce sens, la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu que la validité de la réglementation communautaire devait être appréciée notamment au regard des dispositions du GATT(38) . Il ne faut donc plus attendre des textes constitutionnels, étant donnée la volonté politique dominée par les dogmes du libre échange économique mondial, qu’ils fassent respecter un ordre public économique dans les Etats nations.
II/ LES PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU DROIT ECONOMIQUE COMME BRANCHE AUTONOME DU DROIT
A/ La mutation de la teneur du droit dans ses rapports avec l’économie
La mutation de la teneur du droit dans ses rapports avec l’économie est complexe et échappe en grande partie à l’analyse strictement juridique. Le propos ne prétend donc pas à l’exhaustivité. L’étude de certains concepts, de certains thèmes nous semble cependant bien mettre en relief cette mutation du droit. Ainsi en est-il des rapports entre service public et droit de la concurrence, du droit de la concurrence et de la notion de régulation comme nouveau paradigme de l’intervention de la puissance publique.
En ce qui concerne les rapports entre service public et droit de la concurrence, il est intéressant d’étudier les rapports existants entre les notions d’intérêt général et les notions de concurrence. Il peut être ainsi remarqué que ces deux notions entretiennent des rapports assez complexes. En effet, il clair que les textes de droit européen et de droit interne qui organisent la soumission des personnes morales de droit public au droit de la concurrence dans certains domaines(39) , leur interdisent dans de nombreux cas de déroger à ce droit au nom de leur mission d’intérêt général. C’est ainsi que l’Etat français ne peut empêcher le droit de la concurrence de s’exercer au nom de l’intérêt général sauf, bien sûr, circonstances exceptionnelles. L’Etat créant un service public industriel et commercial doit donc en quelques sortes se justifier lorsqu’il veut déroger au droit de la concurrence au nom de l’intérêt général(40) . Et la conception des juridictions européennes en ce qui concerne le champ d’application du droit de la concurrence est assez large(41) . L’intervention directe de l’Etat au nom de l’intérêt général semble donc devoir faire place à une intervention indirecte qui consiste pour la puissance publique à poser le cadre juridique du droit de la concurrence en laissant ensuite le jeu du marché faire son œuvre. Cela ne revient pas à dire que la défense de l’intérêt général par la puissance publique ne se fait plus. Il peut être en effet soutenu que le droit de la concurrence œuvre pour l’intérêt général, mais la notion d’intérêt général n’est plus une justification juridique directe. L’intérêt général se trouve en quelque sorte satisfait par le marché encadré par le droit de la concurrence.
Par ailleurs, Il existe toujours les domaines réservés aux contours jurisprudentiels imprécis correspondant plus ou moins à nos services publics administratifs. Vient ensuite l’intervention, en cas de circonstances exceptionnelles, dans les domaines qui relèvent en temps normal du droit de la concurrence. Il est clair que l’intervention de la puissance publique pour faire respecter l’ordre public se fait dans ce dernier cas au nom de l’intérêt général(42) . Enfin, vient la notion européenne de service universel(43) qui est la version minimaliste du service public à la française(44) . Là aussi le droit de la concurrence est écarté pour faire place à une intervention plus classique des services publics au nom de l’intérêt général. En dehors de ces domaines réservés à une intervention directe de l’Etat au nom de l’intérêt général, il peut être affirmé que le marché fonctionnant dans le cadre du droit de la concurrence remplit d’une certaine manière une fonction d’intérêt général – il s’agit là d’une intervention indirecte de l’Etat – puisqu’il arrive à satisfaire des millions de consommateurs.
Il peut maintenant être dit que le droit de la concurrence est « la règle » en ce qui concerne les activités industrielles et commerciales. Quant aux interventions directes de la puissance publique au nom de l’intérêt général, elle sont, dans ces domaines économiques, maintenant l’exception. Hors circonstances exceptionnelles, l’intervention directe de l’Etat dans le domaine économique au nom de l’intérêt général ne peut donc être considérée comme étant juridiquement soustraite du droit de la concurrence.
Il résulte de tout ceci que le problème pour bien mesurer la place actuelle du service public comme mode de gestion de la société est d’en donner une définition précise. Le service public – est-il utile de le rappeler – se décèle à partir de trois éléments entrant dans sa définition: Activité d’intérêt général assurée par une personne publique ou privée et soumise à un régime juridique plus ou moins particulier ou la part du droit public est plus ou moins prononcée(45) . C’est avec cette définition à laquelle on ne peut objectivement donner une plus grande précision qu’il est couramment soutenu que si le service public a reculé dans son œuvre d’intérêt général face au marché, ledit service public existe toujours puisque l’organisation du marché relève d’une mission de service public. En ce sens, comme l’a exprimé un éminent auteur, » Exercer le pouvoir réglementaire n’est pas moins exercer une activité de service public que transporter des voyageurs en chemin de fer « (46) . C’est ainsi qu’on peut soutenir que le service public indéfiniment souple et extensible intègre le droit européen transposé et que le droit européen remplit à sa manière une mission de service public. Toute la force du service public est en effet que l’on ne peut en donner une définition précise, ce qui permet ce genre d’acrobatie conceptuelle. Mais ce raisonnement a ses limites. La limite à partir de laquelle la conception du service public n’a plus réellement prise sur une activité, c’est au fond quand le marché par le jeu de l’offre et de la demande internationale donne un prix à un produit et à un service. Or, ce prix obtenu dans un environnement concurrentiel fixe à sa manière les normes qui imposent un droit de l’organisation et du fonctionnement du marché(47) , c’est-à-dire les critères qu’un Etat doit respecter pour attirer les investisseurs sur son territoire et les critères qu’une entreprise doit impérativement respecter pour survivre dans son secteur économique. En ce sens, le droit s’en remet à l’économie pour fixer la norme et la norme se trouve être le prix fixé dans un environnement concurrentiel international. Cette norme trouve sa source tant sur le plan économique que juridique dans la négociation internationale. on voit donc mal comment il pourrait être soutenu que la notion de service public sous-tend l’organisation et le fonctionnement du marché international(48) . Il nous semble résulter de ces observations que le service public suppose un Etat juridiquement et économiquement souverain ou des relations entre Etats souverains ayant les mêmes conceptions et pratiques idéologiques en ce qui concerne les rapports entre puissance publique et économie. Or, ce temps est bien révolu.
Il pourrait être objecté que la mutation de la teneur du droit ne l’empêche pas de remplir les mêmes missions. Les moyens changent mais la finalité reste au fond la même. En reprenant l’exemple du service public, on peut observer que les lois de Rolland concernant l’égalité, la continuité et l’adaptation du service public semblent trouver leur pendant dans le droit de la concurrence. Il peut être ainsi soutenu que le principe du respect de l’égalité des administrés devant le service public à pour équivalent le droit de la concurrence, droit sous-tendu par le respect d’une certaine égalité dans la compétition entre professionnels. Quant aux consommateurs, le droit de la consommation assure une sorte d’égalité entre consommateurs.
La règle de continuité du service public trouve elle aussi une équivalence dans le droit commercial des entreprises en difficultés, du redressement judiciaire et des faillites. C’est ainsi qu’un secteur économique ayant un minimum de demande, trouve toujours des entreprises pour vendre un bien et assurer un service. La continuité se trouve donc assurée, mais par d’autres moyens.
Quant à l’adaptation, elle est, dans le secteur concurrentiel, inhérente à la survie de l’entreprise qui doit rester compétitive pour s’inscrire dans la durée.
Ce rapprochement doit cependant être nuancé dans la mesure où l’application de ces trois principes de fonctionnement du service public est justifiée par la satisfaction de l’intérêt général, notion très large et souple qui englobe l’ensemble des problèmes qui peuvent se présenter à la société. Il ne peut en être dit autant du marché. Les règles du marché ont une finalité première différente. Elles organisent un système juridique où l’idée de profit, de rentabilité est mise en avant, quand bien même et fort paradoxalement le consommateur est considéré comme devant être le bénéficiaire privilégié de ce nouvel ordre juridique et économique. Sans entrer dans ce débat sans fin sur les privilèges respectifs des producteurs, distributeurs ou consommateurs, on s’attachera plutôt à mesurer l’étroitesse de conception consistant à n’envisager toute activité que sous l’angle économique. Il résulte de cette analyse que la teneur actuelle des textes de droit économique correspond bien à la doctrine libérale, voire ultra-libérale qui les a inspirée. De même, l’ensemble de la jurisprudence nous semble aussi conforme à » l’esprit » du texte du traité de l’Union européenne et des traités économiques internationaux. Ceci étant, il faut bien considérer que ces textes et leur interprétation jurisprudentielle n’ont bien sûr rien de définitif. Il pourrait par exemple être envisagé une interprétation moins libérale du texte. Le gouvernement et le juge pourraient ainsi donner une interprétation plus proche des conceptions juridiques que nous avons connues jusqu’à présent. Les textes communautaires nous semblent en effet permettre une conception accordant une place plus importante à la défense de l’intérêt général. Une interprétation plus extensive de l’article 90-2 du traité de l’union européenne en ce qui concerne le service universel, un développement des cas d’exemptions, des régimes d’aides, une politique plus protectionniste au niveau européen nous semble une lecture des traités communautaire tout à fait envisageable. Ainsi, une inflexion des orientations politiques en un sens moins libéral pourrait avoir sa traduction juridique sans qu’il soit nécessaire de réviser le traité de l’Union. Toute puissante interprétation… L’exercice de contorsionniste auquel devraient se livrer les gouvernements et les juges serait cependant intéressant à observer….
Un autre aspect du droit économique intéressant à étudier est le droit de la concurrence au niveau international. On remarquera en effet que si les droits interne et européen ont mis en place un droit de la concurrence homogène, l’étude des règles de concurrence au niveau international soulève de nombreuses questions. Force est de constater en effet qu’il n’existe pas au niveau international de droit de la concurrence structuré et homogène. Les instances GATT-OMC qui ont largement œuvré pour favoriser le développement du commerce international ne sont pas arrivées pour autant à développer et à imposer au niveau mondial un droit de la concurrence s’appliquant à tous les pays signataires des accords. Cette carence du droit économique qui ne connaît toujours pas au niveau mondial de règles de concurrence est assez paradoxale. Il est en effet piquant de remarquer que le droit de la concurrence est souvent présenté comme le cœur même du droit économique et qu’il n’existe toujours pas à l’heure de la mondialisation de droit international de la concurrence. Les seules manifestations juridiques que nous pouvons remarquer sont les applications extra-territoriales du droit de la concurrence comme le pratiquent fréquemment les Etats-Unis et l’Union européenne(49) . Mais ces applications relèvent plus de l’entente (ou de la mésentente…) entre grande puissance que d’une démarche juridique rationnelle. On notera enfin que cette absence de droit mondial de la concurrence est en réalité une source de distorsions considérables en ce qui concerne l’efficience du droit interne et européen.
Le dernier élément qui peut nous faire douter de la viabilité du droit de la concurrence tel qu’il est conçu actuellement est la quasi absence de dispositions concernant l’excès de concurrence. S’il est très difficile de définir juridiquement la notion d’excès de concurrence, il est pourtant reconnu qu’une concurrence beaucoup trop vive peut parfois être destructrice du tissu économique et porter atteinte par ce biais à l’intérêt public d’une région ou d’un pays. Or, dans ce nouveau cadre d’une économie de libre échange international telle qu’elle est pratiquée actuellement, il est clair que l’excès de concurrence, sans tomber sous le coup des règlements anti-dumping(50) , peut amener par exemple la fermeture de certaines entreprises au niveau français et européen, la fabrication des produits étant délocalisée vers des pays aux coûts de production plus attractifs(51) . Si l’on peut voir apparaître dans la loi de juillet 1996 réformant l’ordonnance de 1986 des dispositions tendant à limiter en droit interne les excès de concurrence visant certains agents économiques, on remarquera qu’il n’existe pratiquement aucune disposition en droit interne ou européen, hors circonstances exceptionnelles, pour limiter les effets d’une concurrence internationale déloyale. La puissance publique se trouve ainsi privée de moyens juridiques pour la défense de l’intérêt général. La puissance publique se trouve également privée – dans l’optique d’une analyse plus libérale – des moyens juridiques de réguler la concurrence. Le marché par le biais de l’offre et de la demande internationalisées exerce en ce sens un pouvoir souverain et sans appel de fixer le prix d’un produit.
Il est intéressant d’observer le développement de l’idée de régulation dans le discours politique et la doctrine actuelle. La notion de régulation fort difficile à définir pour un juriste nous apparaît comme consistant à envisager l’ensemble des instruments juridiques comme des moyens destinés à limiter les dysfonctionnements conjoncturels de l’économie par le droit(52) . On remarquera que cette idée de régulation comme cela est le cas pour le droit de la concurrence signifie implicitement que l’économie libérale ne peut réellement s’autoréguler comme l’ont soutenu nombre d’économistes et d’hommes politiques. Le problème de la régulation telle qu’elle est actuellement envisagée par la doctrine est qu’elle nous apparaît difficilement applicable dans les faits. L’idée de régulation suppose en effet une autorité souveraine d’un système comportant plusieurs moyens juridiques pour limiter les dérèglements ou les excès de l’économie. Or, la perméabilisation par le droit international économique des frontières des Etats a impliqué un très net affaiblissement des moyens juridiques permettant de réguler une économie. C’est ainsi qu’il nous semble que l’idée de régulation est actuellement employée à des fins idéologiques pour légitimer une désorganisation économique et financière à l’échelle mondiale. La notion de régulation qui se présente comme un nouveau paradigme du droit économique nous apparaît peu convaincante d’un point de vue scientifique, peu satisfaisante pour relater les nouvelles fonctions du droit dans ses rapports avec l’économie. Que penser en effet de la régulation au regard des différents krachs boursiers et monétaires que connaissent à l’heure actuelle différentes régions du globe. Il ne peut être question de régulation en tant que démarche rationnelle lorsqu’il y a réalisation d’un risque systémique financier à l’échelle planétaire. Cette analyse critique de la notion de régulation employée à l’échelle planétaire ne doit cependant pas impliquer à contrario qu’il serait souhaitable de revenir à l’ère du protectionnisme et de l’isolationnisme. Cette attitude réactionnaire outre qu’elle est parfaitement inadaptée à l’évolution des sociétés modernes n’est plus dans les possibilités qu’ont les Etats de s’opposer à l’internationalisation de l’économie. Plus curieuse, dans ce contexte d’internationalisation de l’économie, est l’idée selon laquelle la régulation suppose l’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Cette idée qui peut apparaître comme légitime sur le plan interne dans le cadre de l’activité de régulation pratiquée par les autorités administratives indépendantes, nous semble très contestables sur le plan international. En effet, il nous semble que la restauration du pouvoir des Etats sur les désordres économiques internationaux ne peux passer que par une initiative politique de représentants politiques ayant un mandat électif.
B/ L’originalité du droit économique de la globalisation
Pour comprendre l’originalité et la spécificité du droit économique contemporain, il faut d’abord accepter de ne plus raisonner avec certains concepts, du moins dans l’acception que nous leur donnons traditionnellement. Un des défauts bien connu du juriste est souvent de continuer à raisonner sur la base de concepts qui ne correspondent plus la réalité. C’est ainsi que nombre d’analyses se fondent encore sur une conception étatiste du droit économique au sein de laquelle on distingue les deux grandes familles de droit économique, l’ancien droit économique des Etats marxiste et le droit économique des Etats libéraux. Notre propos va consister maintenant à démontrer que la vision étatiste du droit économique contemporain n’est plus adaptée pour relater fidèlement les dernières évolutions du droit dans ses rapports avec l’économie. Pour ce faire, nous allons reprendre en les résumant à leur plus simple expression ce que sont les deux grandes théories étatistes du droit économique.
Force est d’abord d’admettre que le véritable droit public économique était en théorie celui de l’ex Union Soviétique. Nous avions là une économie qui ne connaissait ni propriété privée, ni liberté du commerce et de l’industrie, ni par conséquent marché avec libre confrontation de l’offre et de la demande pour la formation des prix des biens et services. L’économie officiellement entièrement administrée reposait sur le plan dont la mission était d’organiser l’exploitation des ressources nécessaires à la satisfaction des besoins de la société. L’histoire a montré, par la faillite retentissante des pays communistes, combien était illusoire cette ambition pour la puissance publique de vouloir assurer par le droit, et dans le moindre détail, l’organisation et le fonctionnement d’un système économique.
Le libéralisme économique conçu comme une entière liberté laissée à l’économie de marché mondialisée nous semble être une chimère idéologique d’un autre genre dont la compatibilité avec l’idée d’un Etat démocratique respectueux des droits de l’homme nous paraît douteuse. L’histoire des faits économiques nous montre qu’il n’y a pas en réalité d’autorégulation économique possible. Le fonctionnement d’un système économique suppose la règle de droit. En ce sens, le droit de la concurrence doit être perçu comme une forme d’interventionnisme de la puissance publique et suppose fondamentalement qu’il n’y a pas autorégulation économique. L’intervention de l’Etat est donc nécessaire pour limiter les concentrations, les abus de position dominante, les ententes, etc., c’est à dire tout ce qui peut éliminer la concurrence et porter, par ce biais, atteinte à la liberté des intervenants sur un marché. L’économie a donc bien besoin d’une liberté juridiquement organisée pour fonctionner convenablement. Le problème est la détermination du degré de liberté optimum que le droit doit accorder à l’économie pour son bon fonctionnement(53) . Un manque de liberté empêche l’activité économique de se développer et trop de libertés accordé par le droit implique également des dérèglements de tous ordres.
La conception étatiste des rapports entre droit et économie dans un système libéral présentait une forme de cohérence qu’il convient de rappeler pour bien mesurer la différence de nature qu’il y a de nos jours entre droit public économique classique et droit économique nouveau.
Pour résumer l’architecture juridique générale d’un Etat à économie libérale, il peut être distingué en quelques sortes deux niveaux juridiques: Le premier niveau concerne les droits fondamentaux. Le deuxième niveau concerne les moyens juridiques permettant de mener une politique plus conjoncturelle, à court terme. Au premier niveau, en ce qui concerne les bases, les droits fondamentaux, on peut distinguer principalement le droit de propriété, la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que le principe d’égalité. Au deuxième niveau, on trouve les moyens juridiques qui permettent de gouverner l’économie à court et moyen terme: On retiendra surtout à ce niveau l’action sur la monnaie et le crédit, le contrôle des changes, le régime douanier, la fiscalité, tous les régimes d’autorisation d’investissement et de rachat d’entreprises par les Etats tiers. L’ensemble de ces droits sont élaborés et appliqués dans le but de satisfaire l’intérêt général. C’est dans ce contexte que se sont développées les différentes branches du droit telles que nous les connaissons avec principalement le droit civil et le droit public.
Ces deux architectures étatistes du droit économique nous semblent aujourd’hui dépassées. Cela pour plusieurs raisons. On remarquera par exemple que le droit est toujours un pour les juristes parce qu’il se confond avec l’Etat dans un milieu social donné(54) . Un seul Etat peut logiquement trouver place. Le monisme s’est implanté dans la pensée juridique et règne encore en monarque absolu. Le paradigme » moderne » de notre science juridique fondé sur un faisceau de concepts englobant abstraction et axiomatisation du droit, subjectivisme, simplicité et sécurité des relations juridiques, séparation de la société civile et de l’Etat, universalisme et unité de la raison juridique est en voie d’être dépassé(55) . C’est ainsi que raisonner dans les termes qu’inspire le monisme n’est plus adapté à l’étude et au commentaire des dernières évolutions du droit contemporain. Il y a en effet une forme d’incohérence au regard du principe de souveraineté à vouloir établir une hiérarchisation entre droit interne, droit européen et international vu le nombre d’Etats et d’autorités chargés de produire, d’appliquer et de faire respecter ces droits. L’idée de souveraineté bien qu’elle admette qu’un Etat puisse se lier par des traités internationaux suppose néanmoins une conception plutôt monolithique de son système de fonctionnement. Très schématiquement, on peut rappeler que l’Etat ayant le monopole de la violence physique légitime a seul le pouvoir de produire des règles de droit et de les faire respecter par la sanction. Or, tel n’est plus tout à fait le cas avec les rapports qu’entretiennent droit interne, européen et international. Nous avons là une multiplicité d’Etats et d’autorités produisant par la négociation, le transfert de compétences et la délégation de pouvoirs un droit international économique très étoffé. On remarquera que ce droit, fruit d’une collégialité très élargie, ne correspond pas vraiment à la conception du droit public classique des Etats, dont notamment le droit public français. Le droit économique international n’est pas à proprement parlé un droit d’Etat et imposé par ce dernier de façon unilatérale, mais un droit résultant de continuelles négociations multilatérales. Il nous faut dès lors prendre acte des faits. Et les faits sont têtus…
Il nous faut donc accepter, pour comprendre la teneur du droit économique, que les Etats n’ont plus le monopole de la création du droit applicable sur leur territoire et que la norme de droit n’a plus le monopole de la détermination des comportements(56) . Cela se traduit par la multiplication des autorités ayant le pouvoir de produire du droit et le fait que la règle de droit doit partager son pouvoir normatif avec ce que le marché peut imposer comme standard technologique(57) . Le coup est rude pour la dogmatique juridique, mais la notion de souveraineté de l’Etat n’est plus un concept déterminant la production normative. Il y a bien plus souvent, rappelons-le, actes de négociation que de souveraineté. En ce sens, le concept de souveraineté ne garantit plus à l’Etat la maîtrise de la teneur et de la cohérence de l’ordre juridique économique. L’évolution en est à tel point qu’aucun Etat n’a de nos jours la réelle maîtrise des normes économiques que l’ordre international impose sur son territoire(58) . L’histoire économique et financière la plus récente le prouve. Si le souverain est celui qui a la maîtrise des circonstances exceptionnelles, on peut affirmer qu’il n’y a de nos jours aucun Etat souverain en matière économique(59, 60) .
Il nous reste maintenant à utiliser les critères les plus usuels pour bien mettre en valeur le décalage qu’il y a entre la conception du droit public économique interne et le droit économique tel que nous le percevons. Nous allons donc étudier ce droit au regard des dernières évolutions de la construction européenne et au regard du droit international avant de nous référer aux critères on ne peut plus classiques et révélateurs que sont les sources, les principes, l’objet et les moyens d’un droit
Les dernières évolutions juridiques de la construction européenne peuvent tout d’abord nous permettre d’affirmer qu’il n’existe aujourd’hui presque plus de droit public des activités économique français. Le droit européen ne lui ressemble guère. La principale source du droit en matière économique est maintenant européenne et la transparence des normes françaises à l’égard du droit européen ne fait plus de doute à quelques exceptions près. A ce stade d’intégration du droit français au droit communautaire et vu l’importance de l’acquis communautaire, il pourrait presque être affirmé de manière un peu provocatrice que le droit européen est un droit public économique interne nouveau. Mais cette appellation sonne faux. En effet, si ce droit a une pleine valeur juridique à l’égal du droit des Etats membres, des nuances s’imposent lorsque l’on examine la nature de l’autorité source de ce droit économique européen. Le droit économique européen est un droit sans l’Etat. Il n’existe pas en effet d’Etat fédéral européen(61) . Ce droit ne répond donc pas aux critères d’un droit public des activités économiques interne. En effet, Il n’est pas le fruit d’un Etat souverain mais une production résultant de négociations entre plusieurs Etats ayant accepté par accord international et révisions constitutionnelles des limitations de souveraineté. Il ne peut donc lui être reconnu la qualité de droit interne bien qu’à quelques nuances près il s’impose comme tel.
Vient ensuite la question de savoir si l’on peut raisonner selon les termes du droit international pour analyser ce qu’est le droit économique. Au niveau européen, l’esprit du droit international semble dépassé par le niveau d’intégration juridique des Etats-membres à l’Union. Le droit international pourrait donc plutôt nous servir pour étudier ce qu’est le droit économique au niveau mondial. Mais les instruments d’analyse qu’offrent le droit international ne nous semblent plus parfaitement adaptés à la situation. La gène que l’on peut rencontrer à utiliser les méthodes du droit international se décèle dans les termes mêmes de l’expression. Le terme de droit en tout premier lieu. L’argument n’est pas nouveau, mais il est peut-être encore plus vrai de nos jours que la règle de droit international économique est la mise en forme juridique de rapports de forces économiques où la puissance politique semble avoir très distinctement pris le pas sur le droit. L’œuvre politique en cette fin de vingtième siècle étant inféodée au pouvoir économique libéral, l’objectif assigné au droit est avant tout d’accompagner, d’encadrer le développement de l’économie de marché au point où les puissances économiques et financières sont en passe d’arraisonner le droit, de l’instrumentaliser à leurs fins. Cette évolution nous fait bien sûr penser à la thèse de l’analyse économique du droit(62) selon laquelle les règles juridiques sont déterminées par les mécanismes de l’économie de marché et finalement réductibles à ceux-ci(63) . Le droit donne dans cette optique toute sa juridicité à » la loi du plus fort » selon les uns – les esprits les plus sulfureux vous expliqueront qu’au droit public économique a été substitué le droit privé des trusts -, à la » démocratie du marché » selon les autres… Quant à l’autre terme de l’expression – international – , il ne semble plus non plus relater fidèlement les dernières évolutions de la situation. Il ne s’agit plus vraiment d’un droit véritablement inter-nation-al(64) . L’importance des nations semblent s’effacer au profit de l’uniformisation économique. En ce sens, le domaine des relations internationales nous apparaîtra comme un terreau particulièrement fertile pour le dépassement de la théorie étatiste des sources du droit : Sous le nom de » Lex mercatoria « (65), il nous est proposé d’admettre l’existence d’un droit destiné à assurer la régulation des opérations marchandes sans passer par le canal des voies étatiques(66) . Ainsi, au droit et à la territorialité des Etats-nations ne correspond plus la territorialité du marché et l’affaiblissement du pouvoir des Etats vis-à-vis de la puissance d’un marché devenu planétaire nous amène à nous interroger sur la capacité de ces Etats à faire respecter dans une négociation économique la spécificité de leur droit(67) . Le droit, dans ses rapports avec un marché mondialisé, semble plus enclin à accompagner le développement de la surpuissance du marché qu’à en limiter les excès et les effets indésirables pour le respect des spécificités et identités nationales(68) . En ce sens, le droit international économique qui voulait une perméabilisation des frontières a fait son œuvre. C’est ainsi que l’expression de « droit de la globalisation économique » nous semble maintenant plus adaptée que l’expression droit international économique. Cette expression de droit de la globalisation économique fait également bien ressortir que les Etats ne sont plus les seuls acteurs privilégiés ayant la maîtrise en dernier ressort des problèmes économiques. En fait d’Etat souverain, l’expression fait bien ressortir que nous avons avant tout une idéologie souveraine. Cette idéologie a ses lois, celles du libéralisme économique qui donnent sa trame au droit économique en vigueur. Le traité de l’Union européenne et les traités de droit international économique sont d’une certaine manière la juridicisation de ce qui est communément appelé la pensée unique…
Il nous reste maintenant à démontrer en reprenant les critères les plus classiques qu’il y a effectivement originalité et autonomie du droit économique. Parmi les critères les plus usuels qui permettent de déterminer si un droit est autonome, on distingue principalement: ses sources, ses principes, son objet et ses moyens. Nous allons étudier successivement ces trois critères:
Les sources d’abord forment un ensemble cohérent de règles et assurent une continuité de cette cohérence dans leur développement. Ce qui peut être d’abord constaté, c’est que la matière économique est maintenant essentiellement régie par le droit communautaire et par le droit des traités économiques internationaux. L’Union européenne est de loin la principale source du droit chargé de régir l’activité économique. Le parlement, la Commission et la CJCE ont développé un droit dont l’objectif est d’unifier, d’uniformiser les économies au niveau européen en éliminant les particularismes des Etats membres. Ce droit économique européen a maintenant les traits de la supériorité hiérarchique au droit administratif français et ne lui ressemble guère quant à sa teneur même. Ce droit économique européen (69) serait plutôt d’inspiration anglo-saxonne pour ses grands traits. Il n’a en tout cas pas grand chose à voir avec le droit administratif français pour les diverses raisons déjà évoquées. Il ne peut plus être affirmé aujourd’hui que ce droit économique européen est un appendice du droit administratif français. Ce droit économique européen semble bien une branche autonome du droit au regard du critère des sources.
En ce qui concerne les principes, on remarquera que le droit européen et le droit international économique ont des principes de base destinés à favoriser le libre échange économique international. Si le droit de propriété tel qui est conçu en France n’est pas remis en cause par le droit européen(70) et les traités internationaux, les conceptions de la liberté du commerce et de l’industrie et du principe d’égalité du droit public économique à la française se trouvent très largement battues en brèche(71) . Les principes de base du traité de l’Union européenne sont la liberté de circulation des marchandises, des personnes, des capitaux, des services(72) . En ce qui concerne les accords GATT-OMC, les principes de base sont la clause de la nation la plus favorisée, la clause du traitement national, l’abaissement général et progressif des droits de douane et la prohibition des restrictions quantitatives(73) . Ces principes fondamentaux qui générent un droit dérivé assez important assurent l’organisation et le fonctionnement de la majeur partie du commerce mondial. Or, il s’agit là d’un droit qui n’entend régir l’activité humaine que sous l’angle économique(74) . Ces principes fondamentaux placés au plus haut niveau de la hiérarchie normative européenne – ce qui n’était pas toujours le cas en droit public économique interne – peuvent être considérés comme un indice majeur de l’autonomie du droit économique par rapport aux autres branches du droit. Ce droit économique régit les termes du contrat social avant tout sous l’angle économique. On notera cependant que les libertés qu’accordent ces principes fondamentaux du droit européen et du droit international économique connaissent au fil de leur évolution des exceptions et certains aménagements au profit de normes sanitaires ou de sécurité. Bien qu’il ne soit pas encore réellement question de négociations sérieuses concernant des clauses sociales ou des régimes sociaux en général, on remarquera une volonté de ne plus limiter l’œuvre normative aux seuls problèmes strictement économiques du libre échange. Des éléments ressemblant aux préoccupations d’intérêt général dans le style du droit administratif classique semblent voir le jour depuis quelques années dans les règlements et directives communautaires et dans certains accords sectoriels négociés au sein des instances GATT-OMC. Ces nouvelles normes sont autant de limitations à l’application stricto sensu de ces principes fondamentaux. Sur un autre plan, on remarquera que les déclarations ou convention de droits de l’homme quelle que soit leur valeur juridique ne sont jamais interprétées comme entrant en conflit avec la politique économique libérale que met en œuvre le traité de l’Union européenne ou les accords GATT-OMC. Elles ne semblent pas être un obstacle au développement du droit économique tel qu’il est conçu actuellement.
En ce qui concerne l’objet du droit européen: Son champ d’application est bien le domaine économique. La lecture du traité de l’Union européenne est bien là pour nous en convaincre. L’objet même du texte et son champ d’application sont essentiellement économiques.
Enfin, en ce qui concerne les moyens juridiques, il peut-être affirmé que le droit européen et le droit des accords GATT-OMC ont des moyens juridiques spécifiques. L’union européenne utilise bien sûr le traité mais aussi le droit dérivé que sont les règlements, les directives et les avis. L’organisation mondiale du commerce quant à elle privilégie les instruments de négociations que sont les accords sectoriels plurilatéraux(75) et multilatéraux(76, 77) . Il apparaît donc clairement que ces autorités européennes et internationales ne reprennent pas à leur compte, les moyens juridiques spécifiques au droit public économique français qui était considéré comme une branche du droit administratif. L’acte administratif unilatéral, le contrat administratif, la concession, la planification à la française sont autant de moyens juridiques ignorés par le droit européen et international économique. Il est clair que ces moyens toujours en vigueur en droit français peuvent être utilisés pour la transposition des normes européennes, mais la recherche d’une spécificité par le type d’instruments juridiques utilisés nous amène à penser qu’il existe bien une originalité du droit économique.
Reste maintenant à tenter de délimiter les frontières du droit économique et les branches du droit qui s’y rattachent. Cette démarche, qui semble au premier abord la plus rationnelle, ne nous semble pas en réalité la plus adaptée. Certes, le droit européen et les accords GATT-OMC forment la clef de voûte du droit économique contemporain, mais il nous semble difficile à partir de ce tronc commun de distinguer clairement des branches et sous-branches du droit économique. L’autonomie du droit économique par rapport aux autres droits nous semble résulter d’un phénomène plus subtil que la mise en catégorie. Il peut en effet être remarqué que le droit économique recompose en fonction de ses principes les droits déjà existants jusqu’à les modifier dans leur teneur même. Le droit public se voit ainsi en charge d’un aspect du droit de la concurrence qui vient fortement limiter le service public. Ce même service public devient peu à peu dans nombre de domaines économiques le service universel de base et on ne compte plus les différentes branches du droit où un règlement ou une directive européenne changent profondément la teneur même d’un droit interne. Un des traits caractéristiques du droit économique est qu’il hypertrophie les aspects économiques et techniques de la matière qu’il régit. Cette recomposition des différents droits par le droit économique pourrait faire l’objet d’une théorie de la contamination du droit par l’économie. Il y a de ce point de vue une recomposition de l’espace juridique telle que les esprits les plus académiques n’y retrouvent pas leurs catégories.
Pour l’heure, nous pouvons retenir que le droit économique envisage avant tout ce qu’il régit sous un angle économique au détriment parfois d’autres considérations d’ordre éthique, culturelle, etc qui ont pourtant une grande importance. A ce stade de son évolution, le droit économique nous apparaît bien comme » un ordre juridique répondant aux normes et aux besoins d’une civilisation encore en voie de formation « (78) .
La fin de notre étude va s’attacher à retenir une expression pour notre nouvelle branche du droit. Nous allons donc reprendre les expressions usitées, tenter de mesurer leur décalage et proposer une nouvelle appellation.
L’expression droit public économique vient en premier lieu. Elle ne nous semble plus adaptée pour relater les dernières évolutions des rapports entre puissance publique et économie. Le droit public économique était considéré comme un appendice du droit public. Le droit public économique s’inscrivait comme le droit public dans une logique d’interventionnisme direct de l’Etat par le biais du service public et au nom de l’intérêt général. Le très net recul du service public, l’extension continue du champs d’application du droit de la concurrence et la supériorité du droit européen et du droit international économique sur le droit français rendent impossible l’utilisation de l’expression droit public économique pour donner une image à peu près fidèle de l’état actuel du droit de la puissance publique dans ses rapports avec l’économie.
Vient en second lieu l’expression droit public de l’économie. Elle tendrait à prendre en considération les dernières évolutions du droit public que nous venons de relater. Mais cette appellation sous entend qu’il y a encore une primauté affirmée de la puissance publique sur l’économie. Que l’esprit – si l’on peut s’exprimer de la sorte – du droit public classique français prévaut encore en dernier ressort sur le droit européen et le droit international économique. Il est également implicitement affirmé que le droit tient l’économie, que le droit en position de surplomb tient le monde économique à distance pour mieux le régir. Cette expression nous apparaît comme inadaptée pour relater la réalité de l’état actuel du droit.
Vient ensuite l’expression droit public des affaires. Elle ne nous semble pas non plus des plus satisfaisante. En effet, cette expression jette un trouble quand au rôle assigné à la puissance publique. L’expression droit des affaires est de surcroît quelque peu ambiguë au regard de ce qu’était l’esprit du droit public classique. Le droit public des affaires sous-entend en effet que l’Etat fait des affaires, qu’il recherche le profit dans ses missions. Il nous semble que cette recherche du profit à l’instar des entreprises privées se marie mal avec l’idée du service public soucieux avant tout de défendre l’intérêt général dans une volonté de rendre plutôt un service que de faire un profit. Il pourra être certes rétorqué que l’administré peut y gagner si l’Etat fait des profits en participant au jeu économique, mais il peut aussi y perdre, et le résultat global des entreprises de ces dernières années nous fait plutôt envisager la seconde solution. Par ailleurs, le désengagement de l’Etat par le biais des nombreuses privatisations nous amène à ne pas retenir cette expression de droit public des affaires.
Reste enfin l’expression » droit économique » qui nous semble relater le plus fidèlement ce qu’est cette branche autonome du droit. Mais l’expression est aussi un peu surannée. Il nous reste donc l’expression droit de la globalisation, qui sonne un peu futuriste, mais nous semble la plus adaptée pour décrire ce droit en formation de la société mondiale.
Conclusion
Le droit économique à, parmi ses défauts, celui de ne ressembler parfois qu’à un ordre technique au service de puissances économiques. On pense à un droit exempt de valeurs éthiques se contentant de faire de la cybernétique économique. Il y a apparemment une cohérence technique d’un système économique. Le bloc de la légalité fait penser un peu à ces circuits imprimés informatiques qui font preuve à n’en pas douter d’un fin discernement pour ce qui est de distinguer le bien du mal et leurs rapports secrets …
Pour comprendre le droit économique, le juriste analyse le nouvel ordre international à l’aune des règles architecturales qui ont fait la cathédrale du droit public classique. Il essaye ainsi de déceler ici une clef de voûte, là une ogive, là encore un linteau. Erreur funeste… Les critères classiques de la souveraineté, de la hiérarchie des normes ne nous permettent plus de déceler la cohérence de la nouvelle architecture. Cette dernière est pourtant aussi une formidable cathédrale, mais fort différente de Notre Dame de Paris. La nouvelle cathédrale juridique aux dimensions planétaires fait penser à une sorte d’abstraction végétale dont les forces créatrices et les règles seraient celles de la jungle. Mais il est pourtant toujours question de civilisation(79) …
Le 03 mars 2000
Christophe LEROY Maître de conférences à l’Université Paris XII Saint-Maur
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(1)Marie-France Renoux-Zagamé, « La seconde scolastique », Dictionnaire de philosophie politique, sous la direction de Stéphane Rials et Philippe Raynaud, P.U.F, 1°Ed., 1996, p.604.
(2)Christophe Leroy » Les rapports contemporains entre l’Etat et le marché : Essai d’interprétation « , Revue administrative, sept.oct.1996, n°293, p.515.
(3)Jacques Chevallier, « Le droit administratif entre science administrative et droit constitutionnel », le droit administratif en mutation, P.U.F, 1993 p.11.
(4)Ghassan Al-Khatib, » La part du droit dans l’organisation économique internationale : essai d’évaluation « , Ed. Bruylant, Ed. de l’université de Bruxelles 1994.
(5) » Mondialisation des échanges et fonctions de l’etat « , Ouvrage sous la direction de françois Crépeau, Ed. Bruylant, Bruxelles, 1997. Cet ouvrage comprend les articles suivant: » La mondialisation, une hypothèse économique galvaudée aux effets dramatiques » par A. Lebel ; Mondialisations et mutations normatives : Quelques réflexions en droit international, Par Katia Boustany et Normand Halde ; Du plein emploi à la productivité par Christian Beblock ; La mondialisation de l’économie et le rôle de l’Etat par jean Paul Proulx ; Mondialisation et structures étatiques : L’expérience européenne par Philippe manin ; Reconceptualisation de l’Etat au sud- Participation démocratique ou managérialisme populiste par Bonnie Campbell ; L’Etat désétatisé et ses fonctions sociales: Eléments de réflexions par Lucie Lamarche ; Mondialisation et démocratie, la notion de société civile globale, Par dominique Leydet.
(6)Pierre Delvolvé, » Droit public de l’économie « , Précis Dalloz, 1998 et » Droit public économique » de Hubert Gérald Hubrecht, Dalloz, coll. Cours, 1997. Voir à propos de ces deux ouvrages » L’ambiguïté du droit public économique (à propos de deux ouvrages récents) « , Jean-Jacques Sueur, Revue internationale de droit économique, 1998, p.335.
(7)Georges Vedel, » Le droit économique existe-t-il? « , Mélanges Vigreux, 1981, p. 767.
(8)Il n’y a pas de technique juridique neutre. Ne faire que de la technique, c’est défendre implicitement la politique que ce droit met en œuvre.
(9)André de Laubadère, Pierre Delvolvé, Droit public économique, Précis Dalloz, 5° éd. 1986, p.18 et s.
(10)Didier Truchet, » Réflexions sur le droit économique public en droit français « , R.D.P 1980, p.1009.
(11)On pense par exemple aux frontières douanières et au contrôle des changes.
(12)Cette connotation idéologique et datée donnée à l’expression devrait de nos jours s’estomper et nous ne retiendrons que son sens littéral, c’est à dire « scientifique « .
(13)Gérard Farjat, « La notion de droit économique », Archives de philosophie du droit, Ed. Sirey, 1992, tome 37, p.27.
(14) »Mondialisation et domination économique, la dynamique anglo-saxonne », Marie-claude Esposito, Martine Azuelos, Jacques -Henri coste, alain Crochet, Olivier Frayssé, Michel Peron, Ed. Economica.
(15)Didier Truchet, L’intérêt général dans la jurisprudence du Conseil d’Etat: retour aux sources et équilibre, Conseil d’Etat, rapport public 1999, p.361.
(16)C.J.C.E Costa c/ E.N.E.L 15 juillet 1964, C.J.C.E Acciaierie San Michele 1965, C.J.C.E Simmenthal, 9 mars 1978. Voir les Grands arrêts de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, p.158 et s. ainsi que CJCE du 17 décembre 1970 » Internationale Handelgesselchaft (aff. 11/70 rec. p.1125).
(17)Pour être précis, l’article 53 de l’ordonnance de 1986 prévoit que toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques sont soumises aux règles de la concurrence, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public.
(18)Nicolas Ligneul, » L’élaboration d’un droit international de la concurrence entre les entreprises, Thèse de doctorat, soutenue le 17 décembre 1998, 376 pages.
(19)Nicolas Ligneul, » Droit international de la concurrence : playdoyer pour une approche intégrée et progressive, A paraître dans la revue du marché commun.
(20)Bernard Cassen, » Les impostures du libre échange « , Manière de voir, n°42, Nov. Dec. 1998, p.70.
(21)On pense surtout à l’arrêt CJCE du 17 dec. 1970 aff. 11/70, Internationale Handelsgesellschaft rec. P.1125.
(22)Lire pour ce débat Bruno Genevois, » Les limites d’ordre juridique à l’intervention du pouvoir constituant » Revue française de droit administratif, , sept.oct.1998, , p.913 ; Olivier Beaud, » La puissance de l’Etat « , PUF, p.481 et 482, ainsi que Olivier Beaud, « La souveraineté de l’Etat, le pouvoir constituant et le Traité de Maastricht: Remarques sur la méconnaissance de la limitation de la révision constitutionnelle « , Revue française de droit administratif, Nov. Déc. 1993, p.1049.
(23)Article 88-2 résultant de la révision constitutionnelle de 1992 et selon lequel (…) » la France consent aux transferts de compétence nécessaires à l’établissement de l’Union économique et monétaire européenne… « .
(24)Voir en ce sens Christophe Leroy, » Les incidences constitutionnelles de la réforme accordant son indépendance à la Banque de France « , Les petites affiches, 18 juillet 1994 p.5.
(25)Article 20 de la constitution de 1958 : Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation (…).
(26)CE 20 octobre 1989 Nicolo, Grands arrêts de la jurisprudence administrative, 10° édition, ed. Sirey, p.743; CE 3 février 1989, Compagnie Alitalia, R..F.D.A, 1989, 391 notes Beaud et Dubouis. Grands arrêts de la jurisprudence administrative, ed. Sirey, p.731; CE 24 septembre 1990, Boisdet, RFDA 1991.172. Note Dubouis.
CE 28 février 1992 Stés Rothmans et Philip Morris.
(27)Cour de cassation, 24 mai 1975, Société des cafés Jacques Vabre, D.1975.497,Concl.Touffait, A.J.D.A 1975.567, note Boulouis.
(28)Assez intéressant dans cette logique développant un droit économique supranational est la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes Brasserie du pêcheur et factortame qui reconnaît à la suite de l’arrêt Francovitch la responsabilité de l’Etat législateur pour les dommages causés aux particuliers par la violation du droit communautaire. (non pas sur le terrain de la faute, mais sur celui de l’illégalité). Arrêt CJCE Brasserie du pêcheur et factortame, Louis Dubouis, RFDA, mai, juin 1996, p.583.
(29)CE, ass., 3 juillet 1996, Koné, Rec. P.255. Voir à propos de cet arrêt, Denis Alland, » Un nouveau mystère de la Pyramide : remise en cause par le conseil d’Etat des traités conclus par la France « , , RGDIP 1997, p.237 et s.
(30) » L’accord de Nouméa et la consultation de la population « , Conclusions sur Conseil d’Etat, assemblée, 30 oct. 1998, MM. Sarran et Levacher et autres, Christine Maugüé, R.F.D.A 1998 p.1081 et « Consécrations d’un paradoxe : primauté du droit interne sur le droit international (Réflexions sur le vif à propos de l’arrêt du Conseil d’Etat Sarran, Levacher et autres du 30 octobre 1998) par Denis Alland, R.F.D.A 1998 p.1094.
(31)Michel Bazex, » Le droit public de la concurrence « , Revue française de droit administratif, juillet-août 1998, p.781.
(32)Louis Favoreu, » Service public et constitution « , AJDA du 20 juin 1997, p.16.
(33)Ainsi, en 1977 les députés socialistes contestent la constitutionnalité des règlements communautaires instituant les prélèvements parafiscaux sur le lait à l’occasion de la saisine de la loi de finances rectificative qui en faisait application. Dans sa décision, le Conseil rappelle qu’en vertu du Traité de Rome, les règlements communautaires « sont obligatoires dans tous leurs éléments et sont directement applicables dans les Etats membres » et » qu’il suit de là que la force obligatoire qui s’attache à leurs dispositions n’est pas subordonnée à une intervention des autorités des États membres, et notamment du Parlement français » . Autrement dit la mise à l’écart des assemblées ou la limitation de leur rôle en ce qui concerne les mesures d’application des règlements communautaire n’est pas contraire à la constitution. Dominique Rousseau : Contentieux constitutionnel, ed. Montchrestien, 4°ed, 1995.
(34)DC 91-308 du 9 avril 1992, R. p.55.
(35)Thiébaut Flory, « La communauté européenne et le GATT, évaluation des accords du cycle d’Uruguay », , Ed. Apogée, 1996.
(36)Les articles du traité de l’Union en ce qui concerne l’adoption de traités et la manière dont est liée l’union européenne avec les Etats-tiers et les organisations internationales sont les articles 113, 228 et 238. Voir aussi l’avis 1/94 de la CJCE sur la répartition des compétences entre communauté et Etats-membres pour passer des accords internationaux. Enfin, il faut savoir que l’OMC effectue un contrôle sur le traité de l’Union par le biais de l’article XXIV du traité GATT-OMC. Cet article a permis aux Etats tiers comme les Etats-Unis, le Japon, le Canada d’exercer un droit de contrôle et de critique parfois harcelant sur la politique menée par l’Union européenne.
(37)Dominique Carreau, Thiébaut Flory, Patrick Juillard, Manuel de « Droit international économique « , , LGDJ, 1990, 3°ed. p.129 et s.
(38)C.J.C.E, 7 mai 1991, Nakajima c/Conseil, c-69/89, rec. p.1-2069.
(39)Article 53 de l’ordonnance de 1986. Article 90 du traité de l’Union européenne.
(40)Nathalie Marcon, » Service public et droit de la concurrence « , Thèse, Université Paris XII Saint-Maur, Janvier 1999.
(41)Arrêt Corbeau du 13 mai 1993 de la Cour de justice des communautés européennes. Arrêt Almélo du 27 avril 1994 de la Cour de justice des communautés européennes.Voir aussi un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes en date du 16 novembre 1995, Fédération française des sociétés d’assurances abordant le cas des organismes chargés de la gestion d’un régime complémentaire de protection sociale a jugé qu' »un organisme à but non lucratif, gérant un régime d’assurance vieillesse destiné à compléter le régime de base obligatoire, institué par la loi à titre facultatif et fonctionnant dans le respect des règles définies par le pouvoir réglementaire, notamment en ce qui concerne les conditions d’adhésion, les cotisations et les prestations, selon le principe de la capitalisation, est une entreprise au sens des articles 85 et suivants du traité CE « . Voir l’arrêt CE société française des sociétés d’assurance.
(42)Article 1 al.3 de l’ordonnance 86-1243 du 1 décembre 1986 concernant les circonstances exceptionnelles.
(43)Marc Debène et Olivier Raymundie, » Sur le service universel: Renouveau du service public ou nouvelle mystification? » AJDA, 20 mars 1996, p.183.
(44)Service public et communauté européenne: Entre l’intérêt général et le marché », travaux de la cedece sous la direction de Robert Kovar et Denys Simon, (actes du colloque de strasbourg), La documentation française, 1998.
(45)Jacqueline Morand-Deviller, Cours de droit administratif, ed. Montchrestien, 5°ed., 1997, p.459.
(46)René Chapus, Droit administratif général, ed. Montchrestien, 1996, p.542.
(47)On pense au droit de la concurrence qui régit le marché de gré à gré, lequel droit de la concurrence est conforme au droit européen et international. Pour les marchés réglementés, on pense aux marchés financiers dont l’organisation et le fonctionnement a été prévu par la directive européenne de 1993 transposée en France par la loi du 2 juillet 1996.
(48)Sur le plan des marchés financiers, par exemple, l’organisation des marchés en différentes autorités boursières résulte de la loi du 2 juillet 1996 qui n’est que la transposition de la directive européenne investissement de 1993.
(49) »Sanctions unilatérales, mondialisation du commerce et ordre juridique international », livre sous la direction de Habib Gherari et Sandra Szurek, Cedin Paris X Nanterre, ed. Montchrestien, 1998.
(50)Dominique Voillemot, Arnaud Michel, Hubert de Broca » La réglementation antidumping communautaire: Un nouveau départ? » , Les petites affiches du 17 avril 1995, n°46, p.7.
(51)Rapport d’information du sénat n°337 de Jean Arthuis, » sur l’incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service « . Seconde session ordinaire de 1992-93.
(52)Droit de la concurrence et de la consommation: N°103 mai-juin 1998.
(53)Jean Philippe Colson, » Droit public économique « , L.G.D.J, 2°Ed., p.13.
(54)Jean Carbonnier, » Flexible droit « ,6° ed. L.G.D.J.
(55)André-Jean Arnaud, » Entre modernité et mondialisation, cinq leçons d’histoire de la philosophie du droit et de l’Etat « , L.G.D.J,1998, p.152.
(56)Jean-Pierre Henry « La fin du rêve Prométhéen? Le marché contre l’Etat « , R.D.P 1991, p.632.
(57)On pense par exemple au standard informatique imposé par la firme américaine Microsoft et son logiciel windows.
(58)Dominique Carreau, Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit international, rubrique Etat : paragraphe c : » Etat : sujet concurrencé dans l’ordre international « , p. 1998.
(59)On notera par exemple que la crise financière internationale qui est actuellement en passe de toucher toutes les régions du globe est impossible à contenir, à réguler, à étaler dans le temps par un droit des circonstances exceptionnelles. Une crise de confiance généralisée des investisseurs aboutit actuellement à des krachs boursiers et monétaires retentissants qui impliquent des dérèglements économiques profonds. Les solutions adoptées en matière de faillite bancaire dans les pays asiatiques consistent à appeler l’Etat en garantie, ce qui pour les tenants de idéologie libérale nous semble pour le moins assez curieux. On remarquera par ailleurs que ces nationalisations, garanties ou cautions des Etats n’empêchent pas les monnaies de continuer à se dévaluer.
(60)Robert Savy, » Les pouvoirs économiques exceptionnels « , Revue Pouvoirs, n°10, 1979.
(61)Anne Levade, » Souveraineté et compétences des Etats « , Thèse, Université Paris XII Saint-Maur, 13 janvier 1997.
(62)Thèses du mouvement Law & économics développées aux Etats-Unis dans les années soixante.
(63)Benoît Frydman, Guy Haarscher, » Philosophie du droit « , ed. Dalloz, p.67.
(64)André-Jean Arnaud, » Entre modernité et mondialisation, cinq leçons d’histoire de la philosophie du droit et de l’Etat » , L.G.D.J,1998.
(65)B. Goldman, » Frontières du droit et lex mercatoria « , archives de philosophie du droit, Tome IX, 1964, p.177.
(66)Ghassan Al-Khatib, » La part du droit dans l’organisation économique internationale : essai d’évaluation « , Ed. Bruylant, Ed. de l’université de Bruxelles 1994.
(67)Mohamed Salah Mohamed Mahmoud, » Mondialisation et souveraineté de l’Etat « , Journal du droit international, 1996 n°3 p.611.
(68)Patrice Rolland, » L’identité Européenne « , Extrait du recueil identité politique, CURAPP, CRISPA, PUF, 1994, p.433.
(69)Economique et européen est un peu redondant…
(70)L’article 295 du traité d’Amsterdam (ex-article 222) dispose que le présent traité ne préjuge en rien le régime de la propriété dans les Etats-membres.
(71)Antonis Manitakis, » La notion d’égalité en droit public économique « , Travaux du centre de philosophie du droit de l’Université de Bruxelles, » Légalité « , volume IV, Ed.Bruylant, 1975, p.105.
(72)J.Schapira, G. Le Tallec, J B. Blaise, Droit européen des affaires, PUF, p.151.4°ed.1994.
(73)Dominique Carreau, Thiébaut Flory, Patrick Juillard, Manuel de « Droit international économique « , , LGDJ, 1990, 3°ed. p.129 et s.
(74)Et l’argument de la limitation de compétence ne nous semble pas justifier cette vision du « tout économique ».
(75)(4) L’annexe 4 comprend les quatre accords plurilatéraux : Accord sur le commerce des aéronefs civils, Accord sur les marchés publics, Accord international sur le secteur laitier, Accord international sur la viande bovine.
(76)Thiébaut Flory, » Remarques à propos du nouveau système mondial issu des accords du cycle d’Uruguay « , Journal du droit international, Oct. Nov. Dec. 1995, p.877.
(77)Les Accords multilatéraux comprennent l’Accord instituant l’organisation mondiale du commerce ainsi que les accords inclus dans l’annexe 1 (les accords sur le commerce des marchandises, l’Accord général sur le commerce des services, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce), l’annexe 2 (le Memorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends) et l’annexe 3 (le Mécanisme d’examen des politiques commerciales).
(78)Cl. Champaud, » Contribution à la définition du droit économique « , D. 1967, Chron., p. 215.
(79)René Sève, » Droit et économie : quatre paradigmes « , Archives de philosophie du droit, tome 37, ed. Sirey, 1992, p.63.